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La théorie platonicienne des Idées et des Nombres d’après Aristote, étude historique et critique, par Léon Robin, 1 vol. in-8 de xvii-702 p., Paris, Félix Alcan, 1908. — M. Robin s’est proposé d’étudier successivement les diverses interprétations anciennes du platonisme. Cet ouvrage, le premier volume d’une série, est consacré à l’interprétation d’Aristote. Désespérant de comprendre les dialogues eux-mêmes, M. Robin veut faire appel au secours des commentateurs anciens, retrouver la tradition platonicienne. Pour appliquer cette méthode, il convient d’abord de faire abstraction de tout ce que nous savons de Platon, et de nous référer aux seuls textes d’Aristote. C’est pourquoi on ne trouve pas dans ce livre une seule citation de Platon. Mais l’étude attentive des opinions d’Aristote permet certaines conclusions relativement aux textes qu’Aristote a utilisés. Si l’exposition d’Aristote renferme des contradictions, si les critiques qu’il dirige contre Platon sont sophistiques ou forcées, nous pourrons rétablir, au moins partiellement, le sens véritable des doctrines critiquées. Il nous suffira de conférer Aristote avec lui-même, pour restituer un peu de l’œuvre originale de Platon.

Or, les indications d’Aristote sont relatives à la théorie des Idées, à la théorie des Nombres-Idées, enfin aux principes, c’est-à-dire à l’Un et au Bien. M. Robin consacre à ces trois questions les trois livres de son ouvrage : le deuxième est le plus considérable, comme l’expliquent la difficulté du problème et la longueur des dernières parties de la Métaphysique d’Aristote. Les résultats les plus importants de la longue analyse de M. Robin sont les suivants : 1e Aristote déforme tantôt inconsciemment, tantôt volontairement, la doctrine de son maître. Il nous en donne à vrai dire une sorte de caricature. Tous les arguments qu’il dirige contre la théorie des Idées et une partie de ceux qu’il emploie contre la théorie des Nombres-Idées sont sophistiques. Plusieurs d’entre eux porteraient contre Aristote lui-même autant que contre Platon. 2e La théorie des Nombres-Idées a dans le Platonisme une importance considérable. Ces dix nombres, composés de l’un et la dyade du Grand et du Petit, occupent dans la doctrine la place la plus haute ; ils ne sont pas des intermédiaires entre les Idées et les Choses sensibles, comme les Nombres mathématiques, mais ils sont inférieurs aux Idées mêmes, dont ils régissent les rapports ; 3e le véritable intermédiaire c’est l’âme du Monde, qui est le lieu des Idées et dont l’activité introduit l’ordre dans les choses.

Chemin faisant, M. Robin donne son avis sur une foule de questions relatives au Platonisme. Par exemple, il donne de la théorie de la χώρα une interprétation qui concorde avec celle qu’en avait proposée M. Rivaud, bien qu’elle ait été obtenue par une méthode très différente, et indépendamment du travail de M. Rivaud. Cet ouvrage, témoigne d’une très grande érudition, et il a été fait avec le soin le plus minutieux. La forme en est toujours très claire et très précise, malgré l’extrême difficulté du sujet. Il est permis d’en trouver les conclusions excessives. M. Robin, qui veut ignorer Platon, fait au moins deux hypothèses que sa méthode excluait : d’abord que Platon a composé une œuvre systématique et cohérente, et ensuite qu’Aristote est le continuateur de Platon. Les résultats les plus importants de son interprétation (par exemple la situation des Idées-Nombres) restent de pures conjectures, malgré le grand effort qu’il fait pour les justifier par des textes. Enfin est-il possible de faire un tout avec les indications d’Aristote ? Ces indications se rapportent, semble-t-il, à des périodes différentes de la vie de Platon, et peut-être même autant ou plus aux disciples de Platon qu’à leur maître. La synthèse provisoire que tente M. Robin est donc prématurée. Mais, si les conclusions du livre sont discutables, on admirera la science et le talent de l’auteur, et le colossal effort que son travail représente. Et ce travail demeure un répertoire excellent pour l’étude non seulement de Platon, mais surtout d’Aristote.

La théorie platonicienne de l’Amour, par Léon Robin, 1 vol. in-8 de 229 p., Paris, Félix Alcan, 1908. — M. Robin analyse d’abord les trois dialogues qui contiennent la théorie platonicienne de l’Amour (Lysis, Banquet, Phèdre), en se limitant pour les deux derniers aux textes qui exposent la doctrine de Platon sur l’Amour (le discours de Socrate dans le Banquet, les deux discours de Socrate dans le Phèdre). Après avoir montré dans le Lysis que la conception ordinaire de l’amitié ne suffit pas, Platon établit, dans le Banquet, que l’Amour, puissance intermédiaire entre les réalités parfaites et le Monde sensible, est l’aspiration vers la possession éternelle du Bon. Le Phèdre explique ce désir : L’âme ayant goûté le bonheur dans une vie antérieure ressent vivement le contraste entre la vie terrestre, douloureuse et limitée, et la joie sublime qu’elle a connue : elle veut fuir le corps, s’évader de sa prison matérielle. L’examen chronologique confirme cette analyse. Car le Lysis précède le Banquet auquel fait