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cept de fonction : une limite conceptuelle encore, car l’expérience concrète ne nous donnerait jamais qu’un amas de faits formant une bande, que le savant remplace par une courbe sans épaisseur (c. 5).

M. Pearson analyse ensuite les notions d’espace et de temps. Il distingue l’ « espace réel », d’ailleurs simple mode de notre faculté perceptive, et l’espace conceptuel ou géométrique. L’espace réel est fini en grandeur et en divisibilité. L’espace conceptuel est infini et divisible à l’infini, il implique les notions d’uniformité et de continuité : deux caractères qui n’appartiennent nullement à nos perceptions. D’une façon générale d’ailleurs, M. Pearson, s’opposant à la thèse de Hume, insiste sur la différence qui sépare le concevable du perceptible. Nos concepts sont inspirés par l’expérience sans doute, mais ils poussent certains caractères de nos perceptions jusqu’à une limite qui parfois n’est plus réalisable. Ainsi en est-il particulièrement des concepts scientifiques. Ce sont « des méthodes sténographiques de distinguer, classer et résumer les phases des impressions sensibles » (p. 263). Même quand ils ne sauraient se traduire par quelque perception, ils peuvent garder une grande valeur à titre de symboles. Seulement, il ne faut pas imaginer en pareil cas qu’ils répondent à une réalité d’un autre ordre (c. 6).

Cette même conception inspire M. Pearson dans l’étude qu’il fait de la notion de mouvement et des notions connexes : car le mouvement lui-même est un concept symbolique, la suite de nos perceptions nous présentant plutôt des changements. Nous ne pouvons que signaler ici les analyses intéressantes qui concernent : les éléments caractéristiques du mouvement (c. 7), l’usage scientifique de la notion de matière (c. 8), les lois du mouvement considérées dans leur application aux différentes espèces de corpuscules (c. 9). De ces études se dégage cette conclusion : le mécanisme n’exprime pas une réalité d’ordre phénoménal, il nous fournit un symbole permettant de décrire le passé et de prédire l’avenir ; à ce titre, il possède une valeur inestimable. L’ouvrage se termine par un exposé assez précis de la crise présente de la physique, dû au professeur E. Cunningham : on y trouvera des renseignements sur la théorie électromagnétique de la matière (c. 10).

Avouons que ce livre suggestif et riche en indications précieuses demeure, dans son ensemble, loin de nous satisfaire entièrement. Il est construit d’une façon un peu lâche malgré l’abondance des divisions et des résumés ; et surtout il n’aboutit pas toujours à des thèses assez nettes ou assez solidement établies. Comment des concepts issus de l’expérience peuvent-ils définir des caractères qui échappent à toute vérification expérimentale ? et surtout comment ces concepts permettent-ils de décrire l’expérience avec d’autant plus de perfection qu’ils s’éloignent d’elle davantage ? Ces problèmes ne sont pas insolubles sans doute, mais M. Pearson n’en a pas apporté, pour sa part une solution bien définie. On a parfois le sentiment qu’il reste à demi embarrassé dans une psychologie sensualiste qui ne s’accorde pas très bien avec les conclusions obtenues par l’analyse directe de la science. Parfois aussi il semble esquiver des difficultés réelles au moyen d’un idéalisme assez imprécis. Bref, l’élaboration philosophique reste trop imparfaite. Mais les observations de détail et mêmes certaines vues d’ensemble gardent une grande valeur.

La traduction semble bien mauvaise. Nous lisons « consistant » au lieu de « cohérent » (p. 147). P. 175 : « L’ordre actuel de la suite est immatériel » ! P. 132 on nous parle d’une « sériation » de phénomènes. De tels exemples se multiplieraient sans fin. Cette traduction ne doit pas être toujours intelligible à un lecteur ignorant l’anglais.

Lectures on Moral Philosophy, by John Witherspoon, president of the College of New Jersey, edited under the auspices of the American Philosophical Association, by Varnum Lausing Collins, 1 vol. in-8 de 146 + xxix p. Princeton University Press, 1912. — Cette réimpression de l’ouvrage de Witherspoon, exposé de la morale d’après les principes des Écossais, fait partie d’une série de rééditions d’anciens philosophes américains publiée sous les auspices de l’American Philosophical Association, par le soin des institutions auxquelles ont appartenu les auteurs des volumes. L’introduction contient des détails sur la vie et sur l’activité politique de Witherspoon. On trouve ensuite une liste des ouvrages de Witherspoon qui ont été publiés. L’édition suit le texte de 1800 auquel on a comparé les textes de 1810 et de 1822.

The Sociological Value of Christianity, by George Chatterton Hill, 1 vol. in-8 de 285 + xxii p., Londres, Adam and Charles Black, 1912. — M. Chatterton Hill pense que la religion est essentiellement collective et sociale, qu’elle est « le résultat de croyances collectives imposées à l’individu du dehors », et que le critérium de la valeur des différentes religions réside dans leur effet sur la société, dans