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phie. D’autre part la philosophie ne peut être la synthèse des sciences, parce qu’une connaissance approfondie des théories essentielles de toutes les sciences est aujourd’hui impossible, et parce qu’il n’en résulterait pas une véritable synthèse adéquate, mais tout au plus une juxtaposition mécanique des résultats de la recherche scientifique ; enfin le travail scientifique est collectif, tandis que la réflexion philosophique est individuelle. Une philosophie définitive et universellement valable est en conséquence impossible : la philosophie ne peut jamais devenir une science positive ; on ne trouve dans son histoire aucune continuité scientifique ; tout y est sans cesse repris, reconstruit, sans nul égard aux recherches passées ; elle n’est point un ensemble de connaissances positives ; et sa valeur de connaissance n’est point positive, mais négative ; la philosophie est une science négative, car l’absolu peut bien être poursuivi, mais non pas atteint ; mais il ne suit pas de là que la philosophie n’ait pas droit à une existence indépendante ; la philosophie est un fait, elle a son fondement dans l’esprit de l’homme et ne peut en être artificiellement bannie.

J. G. Fichtes Werken. Herausgegehen und eingeleitet von Fritz Medicus, 6 vol. in-8 de clxxx-603, 759, 739, 648, 692, 680 p., Leipzig, Félix Meiner, 1908-1912. — Cette édition nouvelle des principales œuvres de Fichte est certainement appelée à rendre au public philosophique d’inestimables services. Depuis longtemps déjà l’ancienne édition complète (par I. H. Fichte, 1843-1845) ne se trouve plus que très difficilement. On aurait souhaité que M. Medicus ne s’arrêtât pas en si beau chemin. Certes le choix qu’il a fait est très abondant, et même qui l’examinera attentivement le jugera sans doute à peu près irréprochable. Il reste pourtant qu’un assez grand nombre d’ouvrages importants ont dû être négligés. Citons la Rechtslehre de 1812, mais surtout les Tatsachen des Bewusstseins de 1810 et celles de 1813, ainsi que les Einleitungsvorlesungen in die Wissenschaftslehre de 1813, tous écrits de première valeur pour celui qui cherche à approfondir la dernière philosophie de Fichte. Le lecteur français ne pourra non plus s’empêcher de déplorer l’omission des premières œuvres politiques de Fichte, que M. Medicus semble beaucoup trop porté à considérer comme de simples pamphlets, en particulier l’omission d’un livre comme les « Contributions pour rectifier le jugement public sur la Révolution française », et aussi celle de la « Revendication de la liberté de penser ». De même on cherchera vainement l’écrit sur Machiavel et surtout ces plans successifs d’universités et ces aphorismes sur l’éducation qui constituent pourtant une des applications essentielles des principes de Fichte à l’organisation de l’État.

Mais une fois ces regrets exprimés, il faut louer hautement les nombreux mérites de cette très belle publication. Extérieurement la présentation ne laisse à peu près rien à désirer : l’ouvrage est maniable, très clairement imprimé, orné de plusieurs portraits du philosophe. Le texte semble avoir été établi avec beaucoup de soin, d’après les éditions parues du vivant de Fichte, les versions successives se trouvant d’ailleurs toujours indiquées au bas des pages. Les œuvres se suivent dans l’ordre chronologique, et une table analytique est annexée. Dans le premier tome figurent de très utiles renvois à l’édition complète, renvois qui, on ne sait pourquoi, manquent dans les tomes suivants. Dans une longue et substantielle introduction, M. Medicus, sans prétendre exposer ni interpréter la doctrine de Fichte, retrace d’une façon très attachante sa vie de penseur et d’homme d’action : certains chapitres de cette étude très documentée, ceux qui traitent des rapports de Fichte avec le mouvement romantique, offrent un intérêt tout particulier. Au passage, M. Medicus analyse généralement, mais d’une façon peut-être un peu sommaire, les œuvres qui n’ont pu figurer dans l’édition.

Die Mittlere Lehre (Mâdhyamika Çâstra) des Nâgârjuna, nach der tibetischen Version übertragen, von Max Walleser. 1 vol. in-8 de viii-188 p., Heidelberg, Carl Winter, 1911. — En cet ouvrage, M. Walleser, qui avait déjà étudié les principes philosophiques du bouddhisme primitif ( « Die philosophischen Grundlagen des Aelteren Buddhismus », ibid.), dans un premier volume de cette collection par lui entreprise, présente une traduction du texte fondamental de la doctrine Mâdhyamika et de son plus ancien commentaire, écrit par l’illustre docteur Nâgârjuna. Le texte s’est conservé en sanscrit ; le commentaire, seulement en tibétain et en chinois ; c’est la version tibétaine qui est ici traduite. Texte et commentaire datent du iie et du iiie siècles de notre ère. Ils font connaitre l’une des écoles les plus importantes du bouddhisme du Nord, celle qui versa dans le nihilisme le plus absolu. Ce fut moins un scepticisme qu’un dogmatisme négatif, fondé sur une critique de la notion d’existence, réalisé grâce à une dialec-