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médiocre et fort dissimulé, a composé trois ouvrages sur Spinoza : une analyse insignifiante du Traité Théologico-politique (Londres, 1767), la traduction de l’Éthique qui a été publiée par M. Colonna d’Istria (Paris, 1907) et une analyse détaillée de l’Éthique, publiée en 1731 dans la Réfutation des erreurs de Benoit de Spinosa (p. 69). Ces ouvrages, répandus par de nombreuses copies, témoignent de l’intérêt de Boulainvilliers pour Spinoza, et, bien qu’ils ne soient pas toujours très fidèles au texte de Spinoza, ils montrent une connaissance approfondie du Spinozisme (p. 70).

3. En 1677 parut à Groningen un ouvrage intitulé : Vervolg van’t Leven van Philopater, rédigé apparemment par un disciple de Spinoza. Ce texte, en général assez médiocre, est intéressant en ce qu’il nous fait connaître la tradition spinoziste, telle qu’elle se fixa de bonne heure parmi les amis du maître (p. 71). M. v. Dunin Borkowski cite cinq exemples curieux de cette interprétation traditionnelle.

4. En 1684 parurent à Marbourg des Principes de Philosophie rédigés par Joh. Cuffeler (p. 77). Chrétien sincère, Cuffeler n’en accepte pas moins la doctrine de Spinoza, qu’il interprète avec beaucoup de pénétration (sans nommer Spinoza). M. v. Bunin Borkowski analyse en détail la première partie de cet ouvrage.

5. Études sur Chr. Wittich et J. Bredenbourg, qui, écrivant en réalité contre Spinoza, eurent la mauvaise fortune de passer pour des Spinozistes déguisés (p. 69.).

Emil Raff : Die Monadenlehre in Ihrer wissenschaftlichen Vervollkommnung (p. 99-127).

L’auteur se propose de reconstruire logiquement, en lui donnant toute sa force, le système de la Monadologie de Leibniz. Ce système est un « monisme idéologique ». M. Raff croit avoir complété et perfectionné ce système par sa théorie des formes de la pensée.

C. A. Armstrong : The idea of feeling in Rousseau’s religious philosophy (p. 242-260).

Rousseau a réagi à sa manière contre le déisme abstrait et froid de la philosophie des lumières, et il a fait appel au sentiment. Mais, on oublie souvent que Rousseau tente de justifier par de longs raisonnements cet appel au sentiment (p. 243-260), et qu’il a subi, malgré tout, l’influence des Encyclopédistes (p. 244). Sa doctrine religieuse part d’un « sentiment intérieur », qui est subjectif, car il exprime une conviction essentiellement individuelle. Mais ce sentiment même est identique à la « lumière intérieure », à « l’assentiment intérieur », et il est dans sa racine quelque chose de rationnel (p. 247). Il y a chez Rousseau une sorte de certitude subjective et immédiate et une appréciation des valeurs morales qui font penser à la raison pratique de Kant (p. 257). D’un autre côté, en tant que sentiment, cette faculté enveloppe le désir, l’émotion, l’aspiration religieuse, l’appréciation des valeurs idéales. Toutefois, Rousseau, qui signale l’élément moral de la religion, n’accorde pas encore à cet élément la place qui lui sera donnée plus tard.

Heinrich Romundt : Die Mittelstellung der Kritik der Urteilskraft in Kants Entwurf zu einem philosophischem System (p. 482-493).

La Critique du jugement est destinée à combler la lacune qui subsiste entre la vérité théorique et la vérité pratique, telles que les avaient définies la Critique de la Raison pure et la Critique de la Raison pratique. Elle ne figurait pas dans le plan primitif de l’œuvre critique. Pour la première fois on y trouve un essai de définition de la métaphysique. Cette définition, annoncée vingt-cinq ans auparavant dans les Rêves d’un visionnaire expliqués par les rêves de la métaphysique, a été complétée en 1791, dans le mémoire sur les progrès de la métaphysique. La métaphysique est, selon Kant, la connaissance qui passe, par les ressources de la raison, de la connaissance du sensible à la connaissance du suprasensible. L’auteur de l’article examine le sens de cette formule et la conception générale de la philosophie qu’elle implique. Le problème posé est résolu, au moins en partie, dans la Critique du jugement. Cet article, obscur et inégal, est destiné à compléter des travaux antérieurs de M. Romundt.

Leo Ehlen : Die Entwickelung der Geschichtsphilosophie W. von Humboldts (p. 22-60).

Après des considérations générales sur la difficulté de constituer une philosophie de l’histoire, M. Ehlen résume les théories de Herder, de Kant et de Schelling. Herder a mis en relief l’importance de la notion d’organisme (p. 25), mais il n’a pas précisé les rapports des divers organismes entre eux et il n’a pas montré la continuité du développement historique (p. 26). Kant, qui a reconnu l’importance du concept d’organisme, n’en a pas montré l’application historique (p. 27). Humboldt a essayé de concilier les deux théories et de constituer sur une base empirique une philosophie