Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 2, 1912.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rement au monde des apparences (p. 31).

De ces considérations, M. Lukasiewicz conclut que le principe de contradiction n’est nullement la loi générale qui domine toutes les démonstrations (p. 33). Les démonstrations directes peuvent se faire sans lui. Dans une conclusion théorique, M. Lukasiewicz essaie de prouver qu’il est impossible de démontrer logiquement le principe de contradiction. Ce principe n’est pas en réalité une loi logique : il n’a qu’une valeur morale. C’est notre arme unique contre le mensonge et l’erreur.

Die Methode der Erkenntniss bei Descartes und Leibniz, par Heinz Heimsoeth, Dr. Phil. Erste Hälfte : Historische Einleitung, Descartes, Methode der klaren und deutlichen Erkenntniss (Philosophische Arbeiten herausgegeben von H. Cohen und P. Natorp, VI, I). 1 vol. in-8 de 192 p., Giessen, 1912. — Cet ouvrage débute par une introduction intéressante sur l’esprit de la philosophie nouvelle. Le problème de la méthode joue dans la philosophie moderne le rôle principal. Et l’apparition de ce problème coïncide avec une transformation du subjectivisme de la Renaissance. L’individu, que les anciens avaient sacrifié, reste à la fin du xvie siècle l’élément d’intérêt essentiel. Mais il n’est plus, comme au temps de la Renaissance, détaché de l’objet et opposé à lui. Il détermine l’objet, et le problème fondamental est celui de savoir comment l’individu peut déterminer le monde extérieur (p. 4-5). Cette direction nouvelle, visible déjà chez Pétrarque, se manifeste clairement chez Léonard de Vinci (p. 8), par un souci jusqu’alors inconnu de l’expérience. Le mépris des livres, le prix particulier que Léonard de Vinci attache à ce qu’il nomme « un bon naturel, c’est—à-dire à tout ce qu’il y a de personnel et de vivant dans l’esprit, sont des traits remarquables. Plus encore, cette conviction profonde de l’expérience et la raison ne sont pas opposées mais se complètent et travaillent d’accord. L’harmonie de la nature et la loi de causalité permettent à la raison une fois éclairée de prévoir les résultats de l’expérience. Et c’est en définitive dans l’esprit du savant que réside la force créatrice qui fait les découvertes. Les mêmes idées se retrouvent chez Képler, pour lequel l’activité de l’âme, l’instinct naturel, agissant en conformité avec les lois générales de la nature (p. 16) peut reconstituer des touts dont l’expérience ne nous offre que des parties. Cette méthode fut déjà celle des anciens, de Platon et de Proclus entre autres, auxquels Képler se réfère sans cesse (p. 15). Galilée, qui tient les mathématiques pour l’instrument nécessaire de toute recherche scientifique (p. 19) estime que la démonstration mathématique part de principes formulés grâce à l’expérience et tirés des faits (p. 21). La méthode « résolutive », seule propre à la découverte, analyse l’expérience et elle en dégage les éléments qui permettront la déduction mathématique et la reconstruction ou composition. La science remonte des faits connus par l’expérience aux causes et elle reconstruit ensuite les effets à l’aide des causes. Cette reconstruction ne peut se faire qu’en laissant de côté les éléments perturbateurs, c’est-à-dire le détail des actions matérielles (p. 22). Enfin Bacon (que M. Heimsoeth néglige un peu) exprime des idées analogues.

Après cette préface, qui malgré son caractère un peu schématique est sans doute la partie la plus intéressante du livre, M. Heimsoeth aborde l’étude de la méthode cartésienne. Il examine successivement la théorie de la méthode dans les Regulæ ad directionem ingenii, la méthode métaphysique de Descartes, enfin la théorie de la Mathesis universalis. Le Discours de la Méthode ne renferme que des fragments de la doctrine cartésienne et ne permet pas d’en comprendre toute la portée (p. 29). Œuvre populaire et en somme superficielle, il traite, pour les gens du monde, de l’ensemble de la philosophie cartésienne, sans rien approfondir. On y trouve surtout, avec une autobiographie, le plan de l’œuvre future de Descartes (p. 31). Or, chez Descartes, la méthode ne se dégage pas, comme chez Galilée, de réflexions spéciales sur telle ou telle science, mais d’une étude générale des conditions de la pensée (p. 33). L’idée maîtresse de cette méthode est celle de l’unité et de l’universalité de la science, fondée sur l’unité des lois de la pensée (p. 34-35). Descartes s’est assigné un double but : formuler des règles précises et découvrir les lois mêmes de la pensée. En premier lieu, il a cherché un criterium de la vérité (l’évidence), et en deuxième lieu il a déterminé, à la lumière des mathématiques, la loi d’ordre, condition de toute activité intellectuelle, M. Heimsoeth analyse assez rapidement les règles cartésiennes, analyse, déduction, énumération. Toutes ont pour objet d’assurer une exacte continuité dans le fonctionnement du mécanisme intellectuel (p. 59). Dans les Regulæ, œuvre inachevée, Descartes n’a pas abordé le problème de l’expérience qui devait y être examiné