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et une inclination vers le mysticisme : pourquoi n’avoir rien dit de tout cela ?

Il eût aussi fallu rechercher quelles avaient été ses lectures et essayer de vous rendre compte de la façon dont il se les assimila. Vous prétendez qu’il avait étudié à fond les 620 auteurs que renfermait la bibliothèque, et cependant je vois que lorsqu’il a voulu interpréter saint Thomas ou Kant il s’est trompé : alors ?

Em. Charles ajoute que Rosmini fut d’abord un fougueux adversaire de la science et de la liberté de penser, puis qu’il se dévoua au triomphe du catholicisme libéral et voulut faire de la science le plus ferme soutien de sa philosophie. Croyez-vous qu’il y ait eu une telle évolution dans ses idées ?

M. Palhoriès. Non. Tout à l’heure M. le président vous disait qu’à vingt-trois ans il écrivait qu’il voulait philosopher pour donner à la philosophie une base solide : la science. Je crois que toute sa vie il eut cette volonté de concilier la foi et la raison. Ce qui a évolué chez lui c’est sa pensée philosophique : il est allé du Thomisme au Kantisme ou plus généralement de la scolastique à la philosophie allemande contemporaine.

M. Picavet. Toute sa vie, dites-vous, il a cherché à concilier la foi et la raison : effort immense qui n’a abouti qu’à le faire condamner par Rome et renier par les partisans de philosophies nouvelles. Et voilà la conclusion que j’aurais voulu vous voir tirer de votre travail : le succès de Rosmini a été arrêté, il devait se trouver arrêté parce que sa philosophie ne pouvait être suivie ni par les catholiques ni par ceux qui se sentaient portés vers la philosophie allemande. Ceux-ci s’adresseront plutôt à Kant et à Hegel, tandis que ceux-là ne pourront décidément adopter une philosophie qui, malgré une certaine fidélité au thomisme, contient des doctrines en opposition avec les doctrines essentielles de l’Église. Il n’a pas réussi parce qu’il a enfermé des doctrines souvent hétérodoxes dans une enveloppe scolastique.










M. Palhoriès. Cette contradiction était peut-être plus apparente que réelle et aujourd’hui encore toute son école proteste contre t’impntation de panthéisme qui l’a fait condamner par la cour de Rome. M. Pieauet. Ayant de laisser la parole à M. Roclier je voudrais encore vous poser une question. Vous avez dit que Rosmini le premier appliqua la physiologie à la psychologie et Cabanis ? M. Palhoriès. J’ai voulu dire le premier en Italie. M. Picavet. Quelles études particulière^ fit-il, au point de vue scientifique ? d ï M. Palhoriès. Il étudia le rôle des nerfs, le somnambulisme ; il rechercha le centre des mouvements volontaires. M. Picavet. Ce sont là des recherches ̃̃̃ courantes à cette époque et je ne pense pas que vous me contredirez si je conclus que Rosmini à cet égard n’a rien d’original et que toutes ses connaissances scientifiques sont des connaissances de seconde main. M.. Bffdièr félicite le candidat de son travail ce travail, ajoute-t-il, a au moins ce mérite de nous faire voir, et très clairement, toute la complexité et aussi toutes les contradictions au système de Rosmini ; j’ai en effet lu votre livre, je l’aï lu avec le plus grand soin et c’est peine si je puis me faire une idée d’ensemble de ce système. Après quelques observations sur la forme matérielle et sur l’orthographe des citations grecques, M. Rodier reproche au candidat un certain embarras dans l’exposition etune certaine lourdeur du style, défauts qui tiennent à une grave erreur de méthode. Au lieu de vous embarrasser dans les « Rosmini dit que », le philosophe de Rovereto pense tfize il fallait vous mettre au cœur du sujet et parler comme :  : I si vous exposiez vos propres idées c’est ainsi qu’ont toujours fait les grands historiens de la pensée. Lorsque j’ai lu les premières pages de votre thèse j’ai conçu un grand espoir Enfin, me suis-je dit, voilà donc un philosophe qui a le courage de s’enfermer dans la philosophie éléatiqueet qui trouve autre chose que lui-même. Je lisais en effet que Rosmini part de l’existence de l’Etre, éternel, immuable, simple, homogène, identique à lui-même et objectif. Hélas ! j’ai été déçu, car j’ai bientôt vu que cette idée de l’Être n’est qu’un abstrait, un résidu. L’Être de Rosmini est un Être indéterminé, il n’exprime qu’une simple possibilité d’Être. M. Palhoriès. Rosmini a essayé d’obvier à ce défaut en rattachant cette idée de l’Être à la pensée divine l’Être indéterminé trouve dans l’intelligence divine le lieu de son éternelle possibiU té." Puis, sur une question de M. Radier, M. Palhoriès s’attache à montrer qu’il y a entre le Plotinisme et le système de Rosmini une différence essentielle pour Rosmini le Verbe est la pensée subsistan.te de Dieu ; or, Dieu pensant de toute éternité, le Verbe est contemporain en’ Dieu. Il lui est encore semblable. Au contraire l’Un de Plotin engendre l’Intelligence elle lui est donc postéiieure. Elle est aussi moins parfaite.