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SUPPLÉMENT DE LA REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE

Ce supplément ne doit pas être détaché pour la reliure.
(N° DE JANVIER 1921)



LIVRES NOUVEAUX

Système des Beaux-Arts rédigé pour les artistes en vue d’abréger leurs réflexions préliminaires, par l’Auteur des « Propos d’Alain », 1 vol. in-8 carré de 334 p., Paris, éditions de la Nouvelle Revue française, 1920. — L’art ressemble à la science en ce qu’il est, comme elle, lutte contre les erreurs de l’imagination, à la morale en ce qu’il est lutte contre le tumulte des passions. Il règle le désordre du corps sur l’ordre vrai de la nature des choses. Il est, suivant la parole d’Aug. Comte, « soumission à l’objet ». L’artiste n’est donc pas un fantaisiste, un rêveur, qui joue avec le réel selon son caprice. La matière dirige l’outil, l’artisan suit le conseil de l’outil : et l’artiste, c’est l’artisan par excellence, qui produit une œuvre non en vue de quelque fin extrinsèque, mais pour qu’elle soit tout simplement. Il nous faut donc corriger notre assertion première, et dire que l’art diffère de la science industrielle et de la morale pratique, en ce qu’il ne procède point par règles et par préceptes, par modèles préalables et par idées préconçues : pour parler comme Kant, il est non pas idée mais jugement. Le bloc de marbre, pour Michel-Ange, était à la fois matière, appui, premier modèle ; et tout artiste perdrait son temps à chercher parmi les possibles quel serait le plus beau. Car aucun possible n’est beau : le réel seul est beau. « Pense-t-on œuvre, oui, certes ; mais on ne pense que ce qui est : fais donc ton œuvre. » Et c’est ainsi que procède l’Auteur des « Propos » pour « abréger les réflexions préliminaires des artistes ».

L’Auteur des « Propos » nous offre donc un tableau des arts, classés selon leur ordre naturel, le même tableau dont il nous avait déjà offert l’ébauche, dans ses chapitres sur l’Esprit et les Passions. Les arts de société d’abord, et ensuite les arts solitaires, qui s’expliquent par le rapport de l’artisan à la chose sans le concours direct de l’ordre humain présent. Ou encore, selon une autre classification, différente de celle-là, qui pourtant s’accorde avec elle, les arts en mouvement, n’existant que dans le temps et par l’action du corps vivant : La Danse et la Parure, la Poésie et l’Éloquence, la Musique, le Théâtre ; et les arts en repos, laissant des traces durables ou monuments : l’Architecture, la Sculpture et la Peinture, le Dessin, plus abstrait et plus solitaire. Et l’écriture, qui est le dessin le plus abstrait, définit, avec le secours de la typographie, la Prose, le dernier venu et le plus solitaire de tous les arts. L’Auteur des « Propos » définit successivement chacun de ces arts par sa matière, et chaque fois avec la sûreté d’un technicien, redécouvrant, rajeunissant la vieille loi des genres.

On ne saurait, par cinquante lignes de résumé, donner l’idée que l’on voudrait d’un livre où chaque détail a son prix. Mais il serait plus absurde encore de vouloir, par une accumulation de citations de détail, résumer un livre où tous les détails sont liés à l’ensemble. C’est un puissant ouvrage qui, fondé sur un solide réalisme, rejoint Kant et rejoint Platon : à la fois dogmatique et intuitif, étroit et profond, obscur, nous entendons par là que c’est un ouvrage où chaque page, chaque phrase doit être méditée pour elle-même.

Force et cause, par F. Houssay, 1 vol. in-12 de 250 p., Bibliothèque de philosophie scientifique, Paris, Flammarion, 1920. — Le regretté doyen de la Faculté des sciences de Paris a résumé dans ces pages les leçons professées par lui à la Sorbonne, depuis 1904, au titre d’« introduction générale à l’étude des sciences naturelles ». Le livre est divisé en deux parties. La première est consacrée aux principes. Il s’agit de situer la connaissance scientifique parmi les diverses formes de la connaissance, les sciences naturelles dans les sciences, et d’interpréter les notions directrices, temps, espace, mouvement, causalité et finalité, spécialement dans leurs rapports avec le point de vue biologique.