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M. Basch a gagné d’en pouvoir scruter les moindres détails. Après un examen des sources (Mendelssohn, Lessing, Winckelmann, Herder et Gœthe, p. 1-53) il détermine d’après Schiller le concept du Naïf et celui du Sentimental (55-104) et leur application aux divers genres, poésie lyrique, épopée, drame, tragédie (105-157). Une discussion sur la méthode prépare une critique approfondie (p. 195-316) ; en séparant cette critique de l’exposé, auquel il lui faut bien se reporter sans cesse, M. Basch s’oblige à maintes répétitions, par où son livre est alourdi. La dernière partie montre l’influence exercée par la Poétique de Schiller.

Un résumé trop bref déformerait la théorie et la critique : ne retenons que l’objection fondamentale. La méthode de Schiller n’est ni psychologique, ni dialectique, ni surtout historique ; elle est déductive, ou plutôt impérative. Pour Schiller, le Beau est une Idée de la Raison — non pas un concept d’expérience, mais une norme déduite de l’idée pure de l’humanité parfaite. Selon la formule de Haym, Schiller déduit l’essence de la poésie de la nature de l’homme à l’aide de concepts empruntés à la philosophie kantienne, et cette essence de la poésie, il l’identifie avec son propre idéal poétique auquel il subordonne les différences historiques comme types logiquement nécessaires. À cette méthode, on conçoit que M. Basch en préfère une toute contraire, dont Herder a donné l’exemple, – une méthode « psychologique, historique, comparative, classificatrice et génétique ». — Mais ne pourrait-on soutenir que dans le traité de Schiller l’apparence démonstrative dissimule une intuition, une expérience, nous dirions presque : une expérimentation idéale ? Schiller, en lui-même, essaie tour à tour les différentes attitudes mentales dont il est capable soit comme producteur, soit comme admirateur de poésie ; il vérifie jusqu’à quel point elles sont incompatibles, et par quelles démarches l’esprit peut passer de l’une à l’autre. Assurément une âme individuelle, même celle d’un homme de génie, ne peut de la sorte épuiser toutes les possibilités esthétiques. Mais nous croyons à la nécessité d’une telle recherche subjective ; sans elle, l’enquête objective ne donnerait que des résultats confus.

Hegel. Choix de textes et étude du système philosophique, par Paul Archambault. 1 vol. illustré de 222 p., Paris, Louis Michaud, s. d. — M. Archambault, tout en ayant pleinement conscience des difficultés de sa tâche, n’a pas reculé devant elle et on peut dire qu’il a tiré un très bon parti de la place restreinte dont il disposait : les sujets traités dans les textes choisis par lui sont des plus importants, et son introduction, où il s’est servi de deux guides excellents (Herr et Noël), est, malgré sa trop grande brièveté (37 pages) aussi exacte qu’elle pouvait l’être et solide (remarquons pourtant qu’il y range (p. 13) dans le centre hégélien K. Michelet qui fut incontestablement de la gauche ; et que dans sa bibliographie il oublie l’ouvrage fondamental sur Hegel, celui de Kuno Fischer). Le plus grave reproche qu’on pourrait faire à M. Archambault est d’avoir emprunté ses extraits à la traduction Véra que tout le monde est d’accord pour trouver insuffisante. Peut-être aussi le choix des textes eût-il pu être fait selon un autre principe. M. Archambault remarque avec raison (p. 11) que les Vorlesungen de Hegel ne peuvent être utilisées avec la même confiance que les œuvres publiées par lui ; mais elles se prêtent mieux à une première lecture et surtout les pages relativement simples et exotériques y sont moins rares que dans la Logique et la Philosophie de la Nature : or tandis que celles-ci ont fourni à M. Archambault plus des trois quarts du volume, la Philosophie du Droit et la Philosophie de l’Histoire qui étaient considérées par les éditeurs des Œuvres comme particulièrement propres à introduire le lecteur novice dans la pensée de Hegel, n’y sont point représentées. Mais si l’on songe que, par la densité et la cohésion rigoureuse de ses développements, Hegel se prête mal à être découpé en morceaux choisis, on estimera que M. Archambault s’est heureusement acquitté d’une tâche délicate dans ce petit livre qui rendra des services.

Schopenhauer, par Th. Ruyssen. 1 vol. in-8 de xii-396 p., Paris, Alcan, 1911. — Depuis l’année 1874, où M. Ribot publia sa Philosophie de Schopenhauer, maints documents ont paru, qu’il n’avait pu consulter ; les fragments de manuscrits choisis et édités par Grisebach ne remplissent pas moins de quatre volumes. Si ces notes ne changent rien aux grandes lignes du système, du moins en éclairent-elles un peu la rapide formation. D’ailleurs le livre de Ribot, si exact, si clair, si vivant, a le défaut d’être un peu bref ; tandis que celui de Bossert subordonne l’exposé des doctrines à la biographie. Le temps était venu d’une étude complète, analytique et critique ; M. Ruyssen y a mis tout son soin. À qui n’aurait pas lu les textes, il ne prétend point révéler les dons de verve caustique, d’éloquence et de poésie