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distance, suivant lui, se fait principalement à l’aide du sens de la vue et d’un sens du flair qui a son siège dans la muqueuse du nez à la pointe du sinus frontal, sens qui peut être indépendant de l’odorat et dont l’activité est probablement excitée surtout par les qualités des vents, leur direction, leur intensité, leur température, etc.

Enfin un dernier point particulièrement intéressant dans la théorie de M. de Cyon, est relatif aux rapports du labyrinthe avec la notion de nombre et de temps. « La notion de temps se forme grâce à des associations qui ont lieu dans les centres cérébraux où se rencontrent les perceptions des sensations de directions des canaux semi-circulaires avec les sensations sonores de l’organe de Corti. C’est à ces dernières sensations, se rapportant à des sons de hauteurs différentes, que nous devons la connaissance du nombre et du temps » (p. 185-186).

Telles sont les idées principales exposées dans ce livre des plus intéressants, et qui vaut par le nombre et la valeur des expériences qui l’illustrent autant que par l’originalité des conceptions théoriques du savant éminent qu’est M. de Cyon.

Contribution à l’Étude de quelques Facultés Cérébrales méconnues, par le Dr  Wol. de Sermyn. 1 vol. in-8 de 612 p. Lausanne, Payot, et Paris, Alcan, 1911. — Des faits mal observés, accueillis sans contrôle, et des théories banales, prétentieuses et insignifiantes édifiées sur ces faits : voilà de quoi est fait le livre de M. de Sermyn. Après avoir rapporté quelques cas de morts prédites, de double vue, des phénomènes banaux d’hypnotisme dont il ne se donne même pas la peine de faire la critique, M. de Sermyn développe, sans ordre ni suite aucune, des aperçus fantaisistes sur les questions les plus diverses, formation du monde, origine de la vie, conscience et inconscience, psychologie, neurologie, morale, religion, etc. À cet ensemble il donne ambitieusement le nom de philosophie scientifique, alors que, s’il parait qu’il ait une connaissance assez étendue de diverses questions scientifiques, M. de Sermyn a témoigné dans son livre d’une absence complète de ce qui constitue le propre de la science, la méthode, et qu’il a laissé passer, sans même les apercevoir, les problèmes que le propre de la philosophie consiste à poser et à examiner.

L’Interprétation Économique de l’Histoire, par Edwin R. A. Seligman, traduit par Henry-Emile Barrault, préface de Georges Sorel. 1 vol. in-16 de xl-176 p., Paris, Rivière, 1911. — Le petit ouvrage de M. Seligman répondait sans doute à un besoin réel, en Amérique, au moment où il parut. Mais nous craignons que la traduction française de M. Barrault vienne un peu tard. Le public éclairé n’a plus besoin de se voir enseigner que le « matérialisme historique », interprétation économique de l’histoire, ne constitue pas un « matérialisme » au sens philosophique ou ontologique du mot. Le chapitre i, sur « les débuts de la philosophie de l’histoire » est sommaire au point d’être inutile. Les origines philosophiques (hégéliennes et autres) de la théorie sont bien racontées : mais d’autres les ont aussi bien racontées. Le chapitre v met face à face les passages contradictoires qui, chez Marx et chez Engels, interprètent la théorie d’une manière plus ou moins modérée. Le chapitre vi constitue un catalogue, utile à consulter, des « applications récentes de la théorie » (Morgan, Kovalevsky, Grosse, Hildebrand, Cunow, Pikler, Nieboer, Cicotti, Francotti, Pöhlmann, etc., etc…) — La deuxième partie est critique. M. Seligman élimine les objections tirées du libre-arbitre : elles portent contre toute philosophie de l’histoire. Il veut qu’on opère une disjonction entre le « matérialisme historique » et le « socialisme scientifique » : si Marx est l’inventeur à la fois de l’un et de l’autre, cela ne veut pas dire que les deux inventions n’en fassent qu’une. Il pense, sans nier l’influence exercée par les forces morales, que « le système particulier de l’éthique ou code de moralité a été très largement, à toute période donnée, un produit de la vie sociale et en particulier de la vie économique ». Il proteste contre le discrédit que certaines exagérations théoriques ont pu contribuer à jeter sur une doctrine « qui, dans une forme épurée, contient une part si large de vérité, et qui a tant fait pour le progrès de la science » (p. 151). Tout cela est fort raisonnable.

M. G. Sorel s’abstient prudemment de porter une appréciation sur le livre dont il écrit la préface. Signalons, dans son intéressant et sinueux essai, les critiques adressées à la philosophie marxiste de l’histoire, perpétuellement faussée par les préoccupations pratiques du propagandiste révolutionnaire. Signalons l’utile rectification d’un faux sens généralement commis à propos d’une phrase de Marx (das Kapital, Buch I, p. 142-3), parce qu’on l’isole de son contexte. Nous doutons en revanche que les phrases citées pages xv-xvi, doivent être vraiment, comme le veut M. Sorel, interprétées comme des conseils de prudence impli-