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Lapouge, etc.), géographie (Ratzel, Demolins, Tourville), biologie (Schäffle, Lilienfeld. Worms, Novicow), 2° les sociologies fondées sur la psychologie, soit individuelle (Comte, Littré, Ward, Lacombe, Tarde, Stein) soit collective (Baldwin, Giddings, Wundt, de Roberty), 3° les sociologies fondées sur des sciences sociales, l’économie politique (Le Play, Patten), la statistique (Coste), le droit (Fouillée, Ardigo, de Greef), la morale et la politique (Durkheim, Bouglé, Simmel). Il y aurait sans doute beaucoup à redire à l’application dans tel cas particulier du principe de cette classification : il reste qu’elle est un moyen commode pour s’orienter dans le vaste monde sociologique. Notons que M. Squillace laisse absolument de côté le matérialisme historique qu’il considère (p. 8), non comme une théorie sociologique ni comme une philosophie de l’histoire, mais comme une de ces grandes lois sociologiques (action et réaction ; thèse, anti-thèse et synthèse ; évolution, division du travail) qu’il se propose d’étudier dans un prochain ouvrage. Signalons comme particulièrement bien venues les pages consacrées à certains précurseurs peu connus de la sociologie (Ibn Khaldoun, Machiavel, Stellini, Ferguson, Hooker, p. 10-36), la critique de la sociologie de Spencer (p. 42-47), de la sociologie des races (p. 106-116), tout le chapitre iii sur la sociogéographie ou anthropogéographie ; l’exposé des thèses de Tarde (p. 208-228), de Roberty (p. 246-256), de Durkheim (p. 325-332). Un index très complet augmente encore l’utilité de l’ouvrage.

Philosophische Kultur, gesammelte Essais, par Georg Simmel. 1 vol. in-8 de 319 p., Leipzig, W. Klinkhardt. — Il n’est jamais facile de rendre compte d’un ouvrage de M. Simmel : la difficulté est plus grande que jamais quand il s’agit d’un livre fait d’essais sur les sujets les plus divers, quoique doué, on le verra, d’une certaine unité interne. Toutes les qualités de M. Simmel s’y déploient à leur aise : un des meilleurs styles de la littérature allemande, beaucoup d’originalité, beaucoup d’esprit et d’ingéniosité, peut-être trop ; les rapprochements les plus imprévus et les plus subtils (un exemple p. 299) ; les connaissances les plus variées coquettement dissimulées ; les formules les plus brillantes (p. 95 : il est plus facile de définir la femme que l’homme, mais plus difficile de définir une femme qu’un homme ; p. 201 : la plastique ancienne cherchait la logique du corps, Rodin en cherche la psychologie). On pourra voir dans l’essai sur Michel-Ange comment M. Simmel explique l’inexplicable, pose les problèmes les plus ardus pour les résoudre, ou paraître les résoudre, avec la plus élégante aisance. Le contenu de ce volume est le suivant : deux essais de psychologie philosophique (l’aventure, la mode) ; deux essais sur la philosophie des sexes (le relatif et l’absolu dans le problème des sexes ; la coquetterie ) ; contributions à l’esthétique (l’anse du vase ; les ruines ; les Alpes) ; sur quelques personnalités artistiques (Michel-Ange ; Meunier et Rodin) ; contributions à la philosophie de la religion (La personnalité de Dieu ; le problème de la situation religieuse) ; contributions à la philosophie de la culture (le concept et la tragédie de la culture ; culture féminine). Le tout est précédé d’une introduction qui est une profession de foi, ou plutôt de scepticisme. La philosophie n’est pas un système de propositions sues et construites, mais une certaine attitude de l’esprit en face du monde et de la vie, une « façon d’embrasser les choses ». La position de M. Simmel est un formalisme qui isole la « fonction » du « contenu », le « processus vivant » du « résultat conceptuel », formalisme analogue à celui qui dans la théorie de la connaissance détache le pur processus de la pensée de tous ses objets, à celui de Kant quand il place le tout de la morale dans la bonne volonté même, à celui de Nietzsche et de Bergson quand ils font de la vie la réalité véritable et la valeur suprême (p. 4. M. Simmel s’accommode fort bien des contradictions, admet une « foule d’absolus métaphysiques possibles », se résigne à ne rien trouver pourvu qu’il lui reste le « mouvement passionné de la pensée ». Ce qui est métaphysique, c’est la « plasticité et la mobilité de l’esprit » (p. 5). Et c’est là bien autre chose que de l’éclectisme, de l’opportunisme : c’est un passage radical de la métaphysique comme dogme à la métaphysique comme vie ou fonction (p. 6). Sans doute ce n’est pas l’attitude des grands génies créateurs, mais c’est pourtant la condition indispensable d’une culture philosophique (p. 7) qui doit toujours rester « labile » (p. 8). Cette introduction est à tous égards un document curieux : jamais on ne vit un philosophe moins souffrir du tourment de l’unité, s’accommoder à ce degré de l’anarchie de la pensée, trouver une satisfaction aussi pleine dans le jeu de l’esprit pour lui-même, et prendre si délibérément la fin pour le moyen, et les moyens pour la fin.

Friedrich Jodl. Eine Studie, par Wilhelm Börner, mit einer Charakteristik Fr. Jodls par Dr. phil. et med. Hugo