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31 – être, la loi de l’idéal. Vous n’auriez le droit d’identifier loi morale et-loi physique qu’au cas où, tous les: moralistes admettraient que la règle..est réalisée en fait :.ladoi morale et la loi physique ne seront des raccourcis conventionnels de ce qui est que si- tous les moralistes et vous-mêmes admettez que tous les hommes pratiquent les règles de la morale. Vous dites à Fempiriste votre règle exprime la nature individuelle; *u sociologue la vôtre .exprime la nature sociale, la règle n’en existe pas moins par la seule action des hommes, et le criminel qui l’extrait montre que c’est. un idéal. Bref il y a « nous soumis aux lois physiques, et. « nous «faisant la loi morale nous sommes doubles. M. Pradines.. – J’ai voulu aettre fin à. ce dualisme. M. Dur/Aeim. – Vous m’y parviendrez pas, La raison, dites-vous, unifie les tendances dans la loi morale de .même que dans la loi physique elle unifie les phénomènes naturels. Mais ne voyez-vous pas que cet antagonisme est en. nous, est nous-mêmes? Quelle difficulté y a-t-il là? Comment croire qu’un artifice de dialectique unifiera ce dualisme que tous les penseurs avant vous ont traduit, chacun dans son langage, celui-ci.en heurtant le social au sensible, celui-là en opposant le rationnel à l’individuel, mais Qù tous ont vu un: fait, le plus profond de tous les faits moraux? Vous qui dites avoir de la complexité un si vif sentiment, comment n’avez-vous pas senti que toujours en nous quelque chose s’élevait, tandis qu’une autre partie de nous-mêmes nous attirait en sens contraire? M. Pradines. – II m’a paru que ce dualisme indéniable, le rationalisme classique a eu le tort de ne pouvoir y mettre fin. M. Durkheim. – Un tel accord est .impossible? Vous avez trouvé dans tous les systèmes une opposition interne. Vous l’avez dénoncée comme une contradiction vous auriez dû voir que cette contradiction est dans la vie elle-même. M. Bvunschvicg s’associe aux éloges que l’on a faits de la pensée de M. Pradines. Vous nous avez demandé de vous juger sur ce que vous avez voulu faire autant que sur ce que vous avez fait. Il y a en effet un certain écart entre ce que vous êtes comme penseur et le contenu de votre ouvrage, la méthode de votre exposé. Au dehors, et telle qu’elle apparaît d’abord, votre pensée est agressive, tandis qu’au dedans elle est conciliante; elle est « méditation de la vie »;• votre ouvrage est comme une « méditation, de la mort des systèmes ». -̃̃ • I Je trouve p. 112 i « Toute une grande | école de philosophes». » -etc. Votre doctrine est le relativisme or cette grande école qui vous inspire dans le principe, nous J3e la voyons guère apparaître, se manifester dans votre -ouvrage, car c’est toujours à l’antagonisme du dogmatisme et du scepticisme q» vous vous référez. Vous négligez ainsi daes cet examen ia | théorie qui ’est la vôtre, et tous noua réduisez au dilemme ou nous pensons avec les cadres abstraits et schématiques de la logique, ou nous pensons les choses mêmes. Mais si vous êtes relativiste, vous devez admettre que nous pensons à l’aide des relations, et que cette pensée delaiela-rI tion constitue la vérité – .à «sins qu’il n’y ait pas de vérification possible. Entre :1e scepticisme et le dogmatisme il y a donc, pour vous, le relativisme critique-, par lequel nous prenons possession du donné grâce la relation; et les relations peuvent être présentes dans la pensée en tant que telles, sinon dans la pensée individuelle, da moins dans la pensée collective, dans la | pensée humaine. M. Pradines. J’aurais dû en effet accentuer encore la différence entre ces systèmes. Je .me rattache au relativisme, mais j;e reproche à Jvant d’avoir considéré les relations comme des choses qui existent. JHv Brunschvkg. – Vous mettez tout suite un nom de philosophe sur le système que vous indiqnez. Mais il eût été intéressant de montrer directement et dans le détail par quelles relations, suivant vous, l’esprit s’accorde avec les choses. Votre pensée s’attache àla vie, et pour exprimer cette pensée vous avez pris un détour, vous vous êtes engagé dans un monde éloigné de vous. Vous avez discuté, critiqué, au lieu d’analyser les relations mêmes. M. Pradines. Il était nécessaire d’abord de révéler une antinomie dont tout le monde n’aperçoit pas le caractère impérieux; il ne fallait pas la négliger mais la critiquer. M. Brunschvicg. – Vous vous exposez alors à ne pas être compris. Et si « nous allons à la morale par la critique de l’idéologiè », je vous dirais Faites de l’idéologie, mais « une fois dans votre vie », et après cela explicitez votre pensée en ellemême, donnez-nous votre système personnel. 11 y a trop de distance entre l’idéologie dont vous nous expliquez les aventures et votre théorie. Si nous en avions le temps je vous demanderais Comment réintégrez-vous les valeurs auxquelles vous demeurez attaché? Vous dites « La science procède par hypothèses », et immédia.temeniaçirès « la vérité est hypothèse. »