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28 – THÈSES DE DOCTORAT n a Thèses de M. Pradines, ancien élève de p p l’École Normale supérieure, professeur au s lycée de Bordeaux. a I. Lés postulats métaphysiques de J, l’utilitarisme de Stuart Mill et de t Spencer. s Sur l’invitation de M. Séailles, M, Pra- t dines résume sa thèse. c li a voulu montrer que la différence s établie entre les systèmes rationalistes et p les systèmes utilitaires est inexistante. d Sous le nom d’utilité, les doctrines mo- î, dernes entendent, non pas un bien sensible, p mais un bien général ou générique-, qui r serait pour eux une règle déterminée, une contrainte de l’action. Us sont ratio- s nalistes, non parce qu’utilitaires, mais l’ quoique utilitaires. Même contradiction c dans les doctrines rationalistes, qui sont, e en fait, empiristes et naturalistes. Des deux côtés, l’on emploie des artifices de g couverture ainsi, l’équivoque du bien h de là nature chez Platon; l’importance attribuée de part et d’autre à l’idée de r l’altruisme qui sert de couverture à l’idée d de détachement de soi-même; la distinc- & tion opérée par Spencer entre le mobile, s tendance sensible, et la règle, qui dépasse li cette tendance. d Ne pourrait-on fonder une règle d’ac- q tion sur un empirisme plus radical, g comme celui des pragmatistes? Les ad- li versaires de l’utilitarisme lui reprochent g successivement d’être naturaliste, ou mé- r taphysique reproche contradictoire. Je n lui reproche pour ma part de n’être natu- c raliste que de nom. J’ai conçu une cri- d tique qui va de la critique métaphysique u à la critique sociologique. Quel en est le r principe? Toute morale a pour objet de v rendre l’action intelligible, c’est-à-dire r scientifique. Les variations de la science ont entraîné celles de laJ morale. Chez c les anciens, l’idée scientifique est l’idée 1 du genre; chez les modernes, c’est l’idée c de quantité, d’étendue exprimable par j des nombres. L’action intelligible sera f donc l’action étrangère à la sensibilité, é semblable autant que possible au concept s définissant la réalité. Ne pourrait-on f chercher à cesser d’être chose de qualité pour devenir chose de quantité? – II est c ,légitime île croire que les doctrines an- r ciennes su sont conformées à cette néces- f sité dialectique sans la comprendre, légi- s time de se faire une idée d’ensemble de e l’évolution des doctrines qui obéissent à 1 ̃cette tendance. f Jusqu’au xvn« siècle, les doctrines utilitaires aboutissent à des conclusions rationalistes l’ataraxie d’Êpicure ne diffère pas profondément de la contemplation platonicienne. Au xvni" siècle, où la science devient physique, l’empirisme acquiert une base. La possibilité de la science a été démontrée expérimentale- ̃̃ ment: l’action sensible peut devenir intelligible. D’autre part les utilitaires sentent l’opposition entre la règle et l’action. Comment la supprimer? Au xix.e siècle, la- science fait encore un pas vers le sensible et cherche à définir l’idéal moral par la loi naturelle (Spencer). Vers la firi du six" siècle, la science atteignant les faits sociaux, on se demande si l’on ne pourrait définir la loi morale dans ses ̃rapports avec la loi sociale. Je ne veux pas tirer de l’histoire un système, mais une loi de l’évolution de l’esprit. Mon étude peut faire soupçonner chez ceux qui ont traité de morale une erreur universelle de méthode. M. Séailles loue chez le. candidat une grande originalité de pensée jointe à la hardiesse et à la clarté de l’expression. Vous avez eu raison de dénoncer l’inconséquence de l’utilitarisme anglais dont le postulat secret est rationaliste. Mais pourquoi emprunter à vos adversaires leur méthode dialectique et idéologique ? En voici un exemple. La loi, dites-vous, détermine -les choses en tant que stables; or, l’action, c’est le changement; déterminer l’action, c’est donc la supprimer. Vous faites sortir une aussi grave affirmation d’un pur artifice de raisonnement. D’ailleurs, vos prémisses mêmes peuvent être révoquées en doute certains savants croient établir des lois de ce qui change, et l’on peut admettre un déterminisme normatif de la loi morale qui ouvre à notre action plus d’une voie. 11 fallait prouver que la loi détermine exclusivement ce qui est stable. M. Pradines. – J& ne sacrifie pas le concret à, l’idéologie je rêve de les concilier. Quant au raisonnement que vous critiquez, il revêt une forme abstraite parce que je le considère comme un cas particulier de la seule question que doive étudier le philosophe comment imposons-nous à la mobilité des choses une forme stable? M. Séailles. La réfutation que vous donnez de la théorie de Mill pourrait être retournée contre vous. N’établissez-vous pas une hiérarchie qualitative des plaisirs, quand vous faites appel, pour le choix entre les fins sensibles, au jugement de l’ « élite »? La critique que M. Paul Janet faisait de Mill s’applique à vous. M. Pradines. Je ne songe pas à ratioh