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harmonie, — mensonges. Il ne peut s’agir ici de suivre l’auteur dans les analyses minutieuses par lesquelles il s’est efforcé de préciser cette vue abstraite des choses qui enveloppe une solution de tout problème métaphysique ou moral. Cette solution, l’ouvrage l’indique toujours et la discute souvent. Nous croyons que le lecteur goûtera surtout les pages délicates consacrées à l’évolution de l’esprit et à l’« évanescence » de ses éléments : elles apportent à la psychologie descriptive une contribution positive. Tout le monde remarquera, évidemment que la conception d’ensemble nous ramène sans détours à des spéculations très antiques par ce postulat, qui la supporte tout entière, que le problème de la nature des choses peut jusqu’à un certain point être posé et résolu avant le problème de la vérité (p. 5). En fait, l’auteur raisonne sans cesse, comme si les éléments du discours nous faisaient toucher les éléments des choses, et comme si nos conditions actuelles de connaissance exprimaient les conditions d’existence de la réalité elle-même. Le mérite de ce dogmatisme sans critique, qui rattache l’œuvre de M. Paulhan à une bonne partie de la philosophie française du milieu du xixe siècle, est de se heurter de front aux problèmes derniers de la pensée. Plusieurs choses en sont une seule et toutefois existent séparément. Ont-elles une réalité avant leurs relations ou n’en ont-elles que par leurs relations ? Sont-elles du concret ou de simples symboles ? Or, précisément, sur ce point décisif, la position de l’auteur nous paraît intenable. Selon lui, la réalité a des degrés mais elle va croissant avec la force de coordination et le nombre des éléments coordonnés, sans que ces éléments soient réels eux-mêmes en dehors du système où ils sont engagés. Comment cela est-il possible ? Comment ce qui est source d’existence recevrait-il la vie de ce à quoi il la donne ? Et combien de songes faut-il ordonner pour qu’ils fassent une perception ? On voit trop ici que le fait de conscience, avec le plus et le moins qui sort de son essence, ne veut pas être confondu, quoi qu’on fasse, avec l’élément matériel qui, entre le néant et l’être, ne connaît pas d’alternative. Appliquée aux objets, la notion de l’inégalité d’existence est toute métaphorique : elle ne répond à aucune exigence des faits ; elle est le décalque du mental sur le physique, comme l’associationnisme est le décalque du physique sur le mental. En fin de compte, le badigeon ne tient pas ; toutefois, l’auteur abordera sans doute lui-même ces difficultés, car il annonce son intention de traiter, dans un prochain ouvrage, le problème de la vérité.

La Conscience française et la guerre, par Gustave Belot, 1 vol. in-16 de 196 p., Paris, Alcan, 1920. — Nous ne faisons ici que signaler cet ouvrage, qui sera étudié en détail dans le corps de la Revue. M. Gustave Belot a réuni sous ce titre un certain nombre d’études publiées dans diverses revues pendant la guerre et depuis la guerre. Une même inspiration les anime, et les idées maîtresses s’en détachent avec netteté. La guerre est un état de crise qui rend impossible le fonctionnement des institutions démocratiques et suspend même les conditions ordinaires de la moralité. Une « réadaptation morale » s’impose donc après la guerre ; les modalités de cette réadaptation sont « les victoires nécessaires de la paix ». Il ne suffira pas, pour gagner ces victoires, de s’en remettre à la conscience individuelle, à la bonne volonté toute pure ; il faut encore que l’individu prenne conscience de sa « fonction sociale ». On rejoint ainsi les idées directrices, et toujours actuelles, des Études de Morale positive.

La Conquête du bonheur, par Jules Payot, 1 vol. in-8, 280 p., Paris, Alcan, 1921.

Ce livre sera également étudié au cours d’une étude que publiera la Revue sur « les idées morales et l’après-guerre ». Il est la suite de l’Éducation de la Volonté et de l’ouvrage plus récent sur le Travail intellectuel et la Volonté. L’auteur a toujours été frappé des gaspillages de temps et d’efforts que cause l’ignorance des méthodes psychologiques. Parvenu au « moment des paisibles regards d’ensemble sur la vie », après avoir longtemps vécu dans la compagnie des sages, il a voulu, pour éviter ces gaspillages, écrire les Principes d’organisation scientifique de la vie, qui sont en même temps un « manuel de la Sagesse ». Une constante sérénité marque en effet ces pages, remplies d’ailleurs d’observations originales et courageuses. Mais il n’y est presque pas fait d’allusion à la chose publique, et comment le sage moderne pourrait-il s’en distraire ?

La Tradition socialiste en France et la Société des Nations, par J.-L. Puech, avec préface de Ch. Gide, 1 vol. in-8 de x-228 p. Paris, Garnier, 1921. — « Qu’a-t-on vu, écrit M. Puech, depuis la Révolution ? On a vu tout un peuple, las d’oppression et soulevé par les idées des philosophes, non seulement s’émanciper, mais aussi répandre dans le monde l’idée de l’émancipation des peuples ; on a vu un aventurier peut-être génial essayer de construire un monde politique sur un plan arbitraire et entreprendre, semble-t-il, l’organisation unitaire de la vie internationale ; on a vu les gouvernements, auxquels il avait imposé sa volonté, s’unir pour lui