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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

implicite qui renonce à se comprendre, soit à se perdre dans le rationalisme qui l’élimine radicalement à force de vouloir la justifier. C’est pourquoi l’analyse de la foi raisonnante ne peut consister qu’en une classification des innombrables tentatives d’accommodement entre la foi et la raison que l’histoire a successivement enregistrées. À travers cette forêt de méthodes et de systèmes, M. Delacroix pratique un certain nombre de voies principales et, sans renoncer à indiquer chemin faisant les sentiers qui en partent ou par lesquels elles communiquent, il suit courageusement chacune d’elles jusqu’au bout.

D’abord le « rationaliste illuminé », celui « qui aperçoit directement la vérité des dogmes, à peu près comme un philosophe aperçoit la vérité d’une philosophie ». Cette attitude suppose une combinaison de mysticisme et de démonstration rationnelle ; c’est celle de la plupart des grands scolastiques, quelle que soit la nuance particulière qui caractérise chacun d’eux. Ensuite, « le raisonneur qui interprète en langage surnaturel ses procédés et ses opérations », parce qu’il suppose l’intervention d’une grâce supérieure à l’intérieur de ses raisonnements et qu’il « traite l’activité mentale comme une sorte d’inspiration ». En troisième lieu viendrait « le raisonneur ému », dont la foi fondée sur la raison transforme la conscience, pénètre les sentiments et réorganise entièrement la vie. En quatrième lieu, « le raisonneur qui s’enchante de sa certitude et s’envole bien au delà de son raisonnement », d’où un sentiment de certitude immense, absolue, inconditionnelle, qui peut soit retentir sur la raison et conduire à l’illumination intellectuelle, soit engendrer l’oubli de tout discours et amener à la suggestion intérieure, le Dieu agissant ». En dernier lieu viendrait « celui qui fait violence à sa raison et qui se rend, par une espèce de sacrifice de soi-même, à la force de l’autorité » ; c’est une sorte de despotisme de la volonté s’imposant à l’intelligence, une acceptation résignée ou violente de l’intelligence elle-même, en tout cas : « un coup d’état dans la nuit ».

Atténuons maintenant l’élément rationnel inséparable de tout acte de foi réfléchi et renforçons, au contraire, l’élément affectif, la foi raisonnante cède la place à la foi confiance et, pour prendre les choses très en gros, le type catholique s’efface devant le type protestant. La forme la plus parfaitement représentative de cette attitude est le symbolo-fidéisme de Ménégoz et Sabatier : fidéisme,