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2 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE. moyen duquel il se dirigea parmi le dédale des hypothèses, des notions et des faits. Le hasard l’avait mis en présence d’une vipère qui, engourdie par le froid, avait tôt recouvré, dans la chaude atmosphère de la maison où il l’avait transportée, sa merveilleuse et redoutable activité. La Fontaine, reprenant un thème d’Ésope, a conté dans sa fable Le Villageois et le Serpent une aventure analogue. Il en a tiré, comme il devait, une moralité.Quinton ne fit pas, à cette occasion, de réflexions morales, mais, réalisant ce gue l’on a coutume de considérer comme le fait du génie, il aperçut d’une vue soudaine un rapport nouveau entre les choses ayant, par sa généralité et sa constance, le caractère de ce que nous nommons une toi. Sa vipère lui fut ce que fut à Newton la pomme tombée à ses pieds, à Denis Papin le couvercle de la marmite soulevé par l’ébullition de l’eau. Il fit jouer, parmi les notions acquises par la science de son époque, la relation nouvelle dont l’intuition l’avait illuminé. Il se trouva, qu’ayant confronté par la suite avec les données de l’empirisme les exigences de cette vue théorique, celle-ci se montra propre, par sa valeur explicative, « à faire avancer d’un pas », ainsi qu’il le pressentit alors, la grande question de l’ordre d’apparition des espèces sur le globe. Quel était, à cette date, l’état de la notion scientifique à l’égard de ce problème ? D’une part, les classifications admettaient avec la distinction des êtres vivants en animaux à sang froid et animaux à sang chaud l’antériorité des premiers. D’autre part, et sur un plan plus général, on avait appris à considérer déjà dans les êtres vivants deux aspects celui de leur morphologie donnée dans le changement et par où ils diffèrent les uns des autres, celui d’un élément commun et stable par lequel ils se distinguent des choses inanimées et qui est expressément la vie la Forme et la Vie selon le titre même de l’un des ouvrages de M. Frédéric Houssay. Enfin, Claude Bernard avait établi, à l’encontre d’une théorie accréditée, l’identité de la vie chez l’animal et le végétal, montrant dans les deux règnes la communauté des fonctions digestives et respiratoires et l’uniformité des conditions nécessaires à la manifestation du phénomène : l’humidité, l’air, la chaleur, une certaine constitution chimique du milieu. A cette conception, Quinton conférait une rigueur nouvelle, en montrant dans la cellule l’élément spécifiquement vital qui, par