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guerre de 1813, pour être emporté par un mal foudroyant, à l’âge de cinquante-deux ans, au moment même où les armées allemandes passaient le Rhin. Or, ces persécutions des étudiants réactionnaires, auxquelles nous venons de faire allusion, nous éclairent sur le véritable rôle de Fichte à travers cette crise. Les Discours ne sont pas l’explosion spontanée d’un nationalisme invétéré. Ils constituent une tentative pour capter, au profit de ses convictions égalitaires et humanitaires, quelque chose de cet enthousiasme aveugle pour l’affranchissement de la nation qui soulevait la jeunesse allemande. La guerre éclate : il interrompt son cours pour faire à ses auditeurs une leçon de circonstance. Et rien de guerrier dans cette leçon, véritable leçon de casuistique morale, pour mettre en garde ceux qui l’écoutent contre l’excès possible de leur patriotisme : « Quiconque introduisait dans l’humanité une seule idée féconde en lumières ou en actes faisait plus de mal à l’ennemi que s’il avait tué cent mille hommes, car il empêchait des millions d’hommes de devenir, en un certain sens, des ennemis : pour être invisible aux yeux du vulgaire, cette victoire-là n’en était pas moins profonde et pas moins efficace » (p. 247). Le voici, quelques mois plus tard, rédigeant, sur la question de la guerre nationale, un écrit qui ne peut être interprété que comme une âpre critique de l’appel du roi de Prusse à son peuple (p. 250-251), et puis, exaspéré par l’égoïsme de ces princes qui, après avoir trahi l’Allemagne dans la défaite, vont la trahir dans la victoire, exprimer l’idée (p. 259) que « mieux vaudrait peut-être la domination sur une partie de l’Allemagne d’un ancien maréchal de France, d’un Bernadotte, imbu, dès sa jeunesse, des principes de la Révolution, de l’esprit de la liberté, que celle d’un de ces princes allemands bouffis d’orgueil, sans mœurs, sans politesse, sans intelligence ». On voudrait que la mort l’eût épargné, et qu’il nous eût été donné de le voir en face d’une Sainte-Alliance qu’il aurait détestée après l’effondrement du Napoléonisme qu’il maudissait. Il serait probablement resté celui que M. Xavier Léon nous montre, aux dernières pages de son livre, « le lutteur héroïque, né pour combattre, pour flétrir, pour protester toujours,… justement révolté, mécontent (p. 285).

Proceedings of the international Congress of Philosophy. — Harvard University Cambridge, Massachusetts, United States of America. September 13-14-15-16-17, 1926. Editor Edgar Sheffield Brightmann (Boston University), New-York, 1 vol. in-8 de lxxxii-711 p. Longmans, Green and Co, 1927. — Notre collaborateur E. Gilson a déjà rendu compte dans cette Revue de ce sixième Congrès qui, grâce à l’esprit d’organisation et au zèle du Comité américain, fut, parmi les Congrès de philosophie, l’un des plus réussis, l’un de ceux dont le succès fut le plus éclatant. Le présent volume, magnifiquement édité, est le recueil des Actes de ces Assises philosophiques. Il contient d’abord tous les préliminaires du Congrès : Annonces, questionnaires circulaires, invitations, listes du Comité international, du Comité d’organisation, du Comité exécutif, des membres actifs ou associés, de la Commission internationale permanent, fixation du VIIe Congrès, programme du VIIe Congrès, séances d’ouverture et adresses.

Il contient ensuite l’ensemble des communications publiées in extenso dans les quatres langues admises. Il contient, enfin, le compte-rendu du banquet de clôture avec les discours qui y furent prononcés.

Recueil éminemment intéressant qui complète de la manière la plus heureuse les publications des Actes des Congrès de Paris, de Genève, de Heidelberg et de Bologne, et qui a sa place marquée dans toutes les Bibliothèques philosophiques ; recueil qui fait honneur à ceux qui l’ont rédigé et qui montrera, une fois de plus, l’intérêt que présentent, pour la philosophie et pour la constitution d’un esprit international, ces réunions périodiques où se rencontrent les penseurs des différentes nations et où se nouent ces relations personnelles qui contribuent d’une manière si efficace à la compréhension et à une estime mutuelles des peuples.

Un seul regret à exprimer : on eût aimé avoir la physionomie des discussions qui ont suivi les communications, comme cela avait été le cas pour plusieurs des Congrès précédents.

Principia mathematica, par A.-N. Whitehead et B. Russell, tome I. Seconde édition, 1 vol. in-8o de 674 p. Cambridge, University Press, 1925. — Le Supplément de la Revue a analysé (mars 1911) la première édition de ce célèbre ouvrage. La deuxième édition reproduit la première ; mais les auteurs ont ajouté une introduction d’une quarantaine de pages dans laquelle ils résument les principaux progrès réalisés depuis quinze ans dans le domaine de la logique mathématique. Les sujets étudiés dans cette introduction sont les