Page:Revue de métaphysique et de morale, 1899.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

serait tout à fait inexact de dire que nous mesurons le temps par l’espace ; car rien n’indique que des espaces égaux correspondent à des temps égaux ; en réalité, on ne peut mesurer le temps que par le temps. Il nous faut donc un mouvement de durée, constante et un mouvement qui se recommence. Il est clair qu’il ne peut être question ici d’une grandeur absolue ; nous ne connaissons, même dans l’espace, aucune grandeur constante au sens absolu du mot ; nous connaissons seulement des grandeurs dont les relations sont fixes, c’est-à-dire qui sont constamment contenues un même nombre de fois les unes dans les autres. On a dit assez souvent que, si toutes les grandeurs réelles étaient augmentées dans la proportion de un million par exemple, il n’y aurait absolument rien de changé pour nous, et le phare d’Eckmühl aurait toujours soixante-trois mètres.

Or, il existe, entre certains mouvements, des relations constantes indépendantes de la durée absolue de ces mouvements, mais suffisantes pour nous donner une unité de temps. On dit que deux mouvements déterminés ont la même durée lorsqu’ils commencent simultanément et se terminent simultanément. Un mouvement est dit double, triple, etc. d’un autre lorsque le second se fait deux, trois… fois pendant que le premier se fait une fois. Si le rapport entre ces deux mouvements est constant, on concevra leur durée comme constante. La mesure du temps est ainsi tout aussi certaine, et pas plus, que celle de l’espace.

L’expérience nous fait voir que certains mouvements ont entre eux des rapports constants ; par exemple, il y a une relation sensiblement constante entre un certain chemin parcouru par un homme sur une route, et deux passages successifs du soleil au zénith. D’autres phénomènes naturels donnent lien à des remarques analogues : les marées, les phases de la lune. Ce dernier phénomène fournit un des moyens naturels les plus parfaits de diviser le temps. Aucune des apparitions de la lune pendant une lunaison ne ressemblant de forme à aucune autre, il devient facile de subdiviser la première division du temps en lunes, et de nommer et figurer ces divisions. D’autres mouvements artificiels très simples se recommencent un même nombre de fois entre deux nuits ou entre deux pleines lunes, ou entre deux marées ; par exemple, l’écoulement du liquide contenu dans un vase, d’où la clepsydre ; puis, par analogie, le sablier, qui est plus facilement transportable. C’est surtout la découverte faite par Galilée de l’isochronisme des petites oscillations du pendule