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biologie n’a réellement pris naissance que lorsque la théorie cellulaire est venue montrer le fait vital élémentaire, le fonctionnement de la cellule (ou de l’élément histologique) et sa prolifération, continuée par l’ovule, cellule lui-même, en sorte que la nutrition et la génération étaient vues par la sous un même angle.

Eh bien, il s’agit maintenant et pareillement de faire, après les sciences sociales, la science sociale. Il y a eu, en effet, des sciences sociales, au moins en ébauche, des commencements de science politique, de linguistique, de mythologie comparée, d’esthétique, de morale, une économie politique déjà assez avancée, longtemps avant qu’il y ait eu l’embryon même de la sociologie. La sociologie suppose un fait social élémentaire. Elle le suppose si bien que, lorsqu’elle n’était pas encore parvenue à le découvrir, — peut-être parce qu’il lui crevait les yeux, qu’on me pardonne cette expression, — elle le rêvait, elle l’imaginait sous la forme de l’une de ces vaines et imaginaires similitudes qui encombrent le berceau de toutes les sciences, et croyait dire quelque chose de profondément instructif en concevant une société comme un grand organisme, l’individu (ou la famille suivant d’autres) comme la cellule sociale, et toute forme de l’activité sociale comme une fonction en quelque sorte cellulaire. J’ai déjà fait les plus grands efforts, avec la plupart des sociologues, pour déblayer la science naissante de cette encombrante conception. Mais encore un mot à ce sujet.

La connaissance scientifique sent si bien le besoin de s’appuyer avant tout sur des similitudes et des répétitions, que, lorsqu’elle n’en a pas sous la main, elle en crée, je le répète, d’imaginaires en attendant les vraies ; et, à ce point de vue, il faut classer la fameuse métaphore de l’organisme social parmi beaucoup d’autres conceptions symboliques qui ont eu la même utilité passagère. Aux origines de toute science, aussi bien que de toute littérature, l’allégorie a joué un rôle immense. En mathématiques, nous avons les rêveries allégoriques de Pythagore et de Platon avant les solides généralisations d’Archiméde. L’astrologie et la magie, vestibule de l’astronomie, balbutiement de la chimie, sont fondées sur le postulat de l’universelle allégorie plutôt que sur celui de l’universelle analogie; elles admettent une harmonie préétablie, entre les positions de certaines planètes et les destinées de certains hommes, entre telle action simulée et telle action réelle, entre la nature d’une substance chimique et celle du corps céleste dont elle porte le nom, etc. N’oublions