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de même des efforts incessants qui aboutissent à de petites trouvailles accumulées. Et, de temps en temps, quelque grand inventeur, quelque grand accordeur surgit.

Les dysharmonies sont aux harmonies ce que les dissymétries sont aux symétries, ce que les variations sont aux répétitions. Or, c’est seulement du sein des répétitions précises, des oppositions nettes, des harmonies étroites, qu’éclosent les échantillons les plus caractérisés de la diversité, du pittoresque, du désordre universels, à savoir les physionomies individuelles. C’est peu de chose, c’est chose bien passagère, une physionomie d’homme ou de femme, affinée par la vie sociale, par la vie d’imitation intense, compliquée et continue. Mais rien n’est plus important que cette nuance fugitive. Et le peintre n’a pas perdu son temps qui est parvenu à la fixer, ni le poète ou le romancier qui l’a fait revivre. Le penseur n’a pas le droit de sourire à la vue de leurs longs efforts pour saisir cette chose presque insaisissable qui n’a plus été et ne sera plus. Il n’y a pas de science de l’individuel, mais il n’y a d’art que de l’individuel. Et le savant, en songeant que la vie universelle est suspendue tout entière à la floraison de l’individualité des personnes, devrait considérer avec une modestie quelque peu jalouse le labeur de l’artiste, si lui-même, en imprimant nécessairement son cachet personnel à sa conception générale des choses, ne lui donnait toujours un prix esthétique, vraie raison d’être de sa pensée.

CONCLUSION

Il est temps de finir, mais, en finissant, résumons les conclusions principales auxquelles nous avons été conduits, et cherchons la signification de leur rapprochement. Nous avons vu que toute science vit de similitudes, de contrastes ou de symétries, et d’harmonies, c’est-à-dire de répétitions, d’oppositions et d’adaptations, et nous nous sommes demande quelle était la loi de chacun de ces trois termes ainsi que le rapport de chacun d’eux avec les autres. Nous avons vu que, malgré son penchant naturel, et, a priori si légitime en apparence, à s’attacher aux phénomènes les plus grands, les plus volumineux, les plus prestigieux, pour expliquer les moins visibles, l’esprit humain a été irrésistiblement amené à trouver le principe des choses, en tout ordre de faits, dans les faits les plus cachés, dont la source, à vrai dire, lui reste insondable. Cette constatation devrait lui causer une grande surprise, mais il n’en est rien, tellement