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regarder de près, ce va-et-vient de forces qui font tour a tour le pour et le contre, ou disent le oui ou le non, est encore plus difficile à comprendre que le choc de deux forces qui se rencontrent et s’équilibrent, car, au moins, ces interférences destructives ont-elles un caractère accidentel, non voulu, et nous savons qu’elles sont presque inséparables des interférences créatrices, comme l’ombre du corps ; sans compter que l’équilibre en nous et la neutralisation réciproque de tendances contraires, de suggestions rivales du dehors, permet à notre originalité naturelle de se faire jour, et c’est là peut-être une des meilleures justifications de la lutte en général. Mais le rythme semble être un jeu normal où les forces se complaisent et qu’elles ont voulu, soit qu’il s’agisse du rythme qualitatif ou du rythme quantitatif. Et j’avoue que, s’il y avait de sérieuses raisons de penser que ce va-et-vient, ce balancement puéril, eût lieu en grand, c’est-à-dire que la dissolution fût précisément l’inverse de l’évolution, la régression de la progression, et que tout se remit ensuite à recommencer indéfiniment sans nulle orientation d’ensemble, je serais pris d’un désespoir schopenhauerien. Mais, par bonheur, il n’en est rien, et le rythme n’apparaît partout, le rythme un peu précis, régulier, vraiment digne de ce nom, que dans le détail des phénomènes, comme une condition même de leur répétition précise, et, par leur répétition, de leur variation. La gravitation d’un astre ne se répété qu’a raison même de son aller et retour elliptique; une onde sonore, une onde lumineuse, ne se répète qu’à raison d’un aller et retour rectiligne ou circulaire ou elliptique aussi ; la contraction d’un élément musculaire, l’innervation d’un élément nerveux, ne se propage non plus dans un muscle ou le long d’un nerf que moyennant un petit processus circulaire qui revient à son point de départ ; et Baldwin a montré récemment que l’imitation est aussi « une réaction circulaire » et qu’on peut la définir : « une réaction musculaire qui cherche à atteindre les stimulus capables de ramener les mêmes états, qui, à nouveau, tendront aux mêmes stimulus et ainsi de suite ». Dans le livre d’où j’extrais cette citation, il étend le mot imitation bien au-delà de l’acceptation que je lui avais assignée, et, le généralisant au point d’y faire rentrer à la fois tout le fonctionnement vital comme tout le fonctionnement social, il écrit — « Le type des réactions ou répétitions circulaires, que nous nommons imitation, est un type fondamental, toujours le même et commun à toute l’activité motrice. » — Mais la répétition, le pas régulier des phénomènes, n’est que la