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de se contredire. Producteur et acheteur sont toujours d’accord en ce sens que l’un veut acheter ce que l’autre veut vendre, il est vrai pas toujours au même prix, mais il est toujours un prix qui les accorde et met fin au débat entre eux. Les désirs des producteurs n’ont rien non plus de contraire, tant que chacun d’eux a sa clientèle et son débouché, momentanément inextensibles comme sa production ; ils ne deviennent contradictoires qu’au fur et à mesure que, les moyens de production venant à s’étendre, chacun d’eux désire produire plus et s’approprier la production d’autrui. Il est vrai que, la civilisation ayant pour effet d’agrandir sans cesse les moyens d’action, cette lutte entre co-producteurs est inévitable et doit devenir de plus en plus vive. Quant aux désirs des consommateurs d’un article donné, on peut dire que, loin de s’entre-nuire, les compétiteurs à l’achat d’un même article s’entraident le plus souvent, quand la production de cet article est de nature à marcher du même pas que sa consommation: car, plus il y a de gens désireux d’acheter des bicyclettes, plus le prix des bicyclettes s’abaisse. Les désirs des consommateurs ne sont vraiment en contradiction que dans le cas — assez fréquent pour les articles de première nécessité et aussi pour les articles de grand luxe — ou il y a moins d’exemplaires de la chose demandée qu’il n’y a de demandes et ou ils ne sauraient se multiplier aussi rapidement que se multiplient, par la contagion de la mode, les désirs dont elle est l’objet.

Cela dit, remarquons, pour revenir à notre idée de tout à l’heure, que chacune des trois espèces de concurrence distinguées ici se conforme à la loi indiquée. Entre vendeur ou acheteur, les petits marchandages des tout petits marches primitifs sont incessants et innombrables ; peu à peu, ils sont supprimés, mais pour être remplacés par ces grands marchandages auxquels donne lieu, dans les conseils municipaux, la fixation de la taxe municipale du blé ou de la viande; et, quand ceux-ci sont supprimés à leur tour, c’est pour être remplacés par de plus grands marchandages encore, par les discussions des Chambres ou se débattent des projets de loi qui tendent à favoriser, par l’imposition ou la suppression de certains droits de douane, les intérêts de la masse des producteurs ou ceux de la masse des consommateurs nationaux. Les sociétés coopératives dites de consommation, c’est-à-dire ou le consommateur et le producteur ne font qu’un, sont nées du besoin de mettre fin à l’espèce de concurrence dont il s’agit, et elles vont se développant comme elles. —