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ses préoccupations, non plus, comme autrefois, un continent ou deux, mais la totalité du globe, et qu’ainsi le terme dernier de l’évolution de la guerre se dévoile enfin, perspective si éblouissante qu’on n’ose y croire, perspective d’un but difficile à réaliser assurément, mais d’un but bien réel, qui n’a plus rien de décevant, qui, si on l’approche, ne saurait reculer. N’y a-t-il pas la de quoi électriser tous les cœurs ? Après avoir assis la Paix dans les limites d’un fleuve, tel que le Nil ou le fleuve Amour, ou sur le littoral d’une petite mer, après avoir été, comme l’a montre Metchnikoff — et comme l’expliquent à merveille les lois du rayonnement imitatif — fluviatile, puis méditerranéenne, la civilisation devient océanique, c’est-à-dire planétaire, et c’est maintenant que, l’ère de ses crises de croissance étant close, sa grande floraison peut commencer.

Il est vrai qu’alors même que la guerre aura pris fin, toute lutte douloureuse entre hommes n’aura point disparu. Il en est d’autres formes, la concurrence notamment. Mais à la concurrence aussi, opposition sociale d’ordre économique, et non plus politique, ce qui vient d’être dit peut être appliqué. Comme la guerre, la concurrence va du petit au grand, du très petit très nombreux au très grand très peu nombreux. La concurrence, des son début, se présente sous trois espèces : la concurrence entre les producteurs du même article, la concurrence entre les consommateurs du même article, et la concurrence entre producteur et consommateur, vendeur et acheteur du même article. Car, s’il s’agit d’articles différents, il n’y a nulle opposition réciproque des désirs ; il y a plutôt adaptation réciproque, quand les articles sont susceptibles de s’échanger.

Mais, d’abord, puisque nous touchons là à un sujet des plus délicats et qu’il ne nous convient de l’aborder pour le moment que par un côté spécial, en dehors de tout parti pris collectiviste ou autre, faisons quelques observations d’une vérité non douteuse. Concurrence est un mot ambigu qui signifie à la fois ou tour à tour concours et lutte, et c’est pourquoi la dispute s’éternise entre ceux qui maudissent justement cette chose équivoque, dont ils n’envisagent que le côté opposition, et ceux qui non moins justement la louent à raison des inventions civilisatrices qu’elle a suscitées, envisagée par son côté adaptation. Mais c’est sous son aspect défavorable que nous la considérons ici.

Il n’est nullement essentiel aux désirs des divers consommateurs ou des divers producteurs d’un même objet, ni même aux désirs des uns confrontés avec les autres, de se combattre,