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Ces considérations étaient nécessaires pour indiquer ce que la sociologie doit être si elle veut mériter le nom de science, et dans quelles voies doivent la diriger les sociologues s’ils tiennent à cœur de la voir prendre décidément le rang qui lui appartient. Elle n’y parviendra, comme toute autre science, qu’en possédant et en ayant conscience de posséder son domaine propre de répétitions, son domaine propre d’oppositions, son domaine propre d’adaptations, toutes caractéristiques et bien à elle. Elle ne progressera qu’en s’efforçant de substituer toujours comme toutes les autres sciences l’ont fait avant elle, à de fausses répétitions des répétitions vraies, à de fausses oppositions des oppositions vraies, à de fausses harmonies des harmonies vraies, et aussi à des répétitions, à des oppositions, à des harmonies vraies, mais vagues, des répétitions, des oppositions, des adaptations de plus en plus précises. — Plaçons-nous successivement à chacun de ces trois points de vue pour vérifier d’abord si l’évolution des sciences en général, de la sociologie en particulier, s’est faite ou se fait dans le sens que je viens de définir imparfaitement et que je définirai de mieux en mieux; et ensuite pour indiquer les lois du développement social sous chacun de ces aspects.


Chapitre I

RÉPÉTITION DES PHÉNOMÈNES

Mettons-nous en présence d’un grand objet, le ciel étoilé, la mer, une forêt, une foule, une ville. De tous les points de cet objet émanent des impressions qui assiègent les sens du sauvage aussi bien que ceux du savant. Mais, chez ce dernier, ces sensations multiples et incohérentes suggèrent des notions logiquement agencées, un faisceau de formules explicatives. Comment s’est opérée l’élaboration lente de ces sensations en notions et en lois ? Comment la connaissance de ces choses est-elle devenue de plus en plus scientifique ? Je dis que c’est, d’abord, à mesure qu’on y a découvert plus de similitudes ou qu’après avoir cru y voir des similitudes superficielles, apparentes et décevantes, on y a aperçu des similitudes plus réelles, plus profondes. En général, cela signifie qu’on a passé de similitudes et de répétitions de masse complexes et confuses, à des similitudes et à des répétitions de détail, plus difficiles à saisir, mais plus précises, élémentaires et infiniment nombreuses autant qu’infinitésimales. — Et c’est seulement après avoir aperçu ces similitudes