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transforme la constatation en une raison qui s’unit irrésistiblement au fait constaté., qui le rend par lui-même intelligible, qui lui fait dégager une lumière par laquelle il s’éclaire lui-même. Soit un fait A. l’empirisme Vulgaire en traduira la constatation par A est ; la raison dé A restant ,subordorihée â. l’existence de causes empiriques, B, .C, etc., de sorte que A n’existe pas en droit par lui-même, mais par B, C, etc., qui justifient son existence. Le raisonnement darwinien traduit aussi la constatation par A est ; mais A y devient à lui-même sa raison et se justifie lui-même. C’est le même fait, dans les deux cas, mais infiniment plus intelligible, et promu à une sphère supérieure de la réflexion, dans le second cas. •. .Tel est le sens de l’idée de la sélection naturelle. EEë1 est un progrès de l’intelligibilité. Mais,, en même temps, on voit qu’elle est muette à l’égard de la première apparition du fait. C’est pourquoi l’on éprouve le besoin de lui adjoindre le principe du mécanisme sous la forme des influences de milieu, voire même du hasard, qui, ayant pour but de suppléer à l’ignorance de causes déterminées, devient lui-même une cause.

Cette recherche de la cause mécanique provoquant la première apparition d’une variation, perpétuée ensuite par la sélection, est, en soi, une illusion, car la cause n’est pas un événement, mais une idée, qui repose empiriquement sur lasuccession constante et répétée et la cause d’un fait nouveau, dans ce qu’il a de nouveau, est une idée contradictoire. Mais c’est une illusion nécessaire et bienfaisante, un,instin.çt de l’intelligence, pourrait-on dire (si les deux mots se laissaient accoupler), qui nous pousse ainsi à l’analyse de plus en plus détaillée, à la description de plus en plus claire, à la systématisation de plus en plus large et de plus en plus complète. Pour pouvoir affirmer en toute certitude que telles modifications, soit externes, soit internes, ont, une première fois, suscité telle manifestation du langage réflexe, par exemple, qui ensuite s’est conservée par sélection, il faudrait être en mesure de reproduire à nouveau toutes ces circonstances. Chose impossible ; mais, à l’aide de l’analogie et de l’inférence, nous suppléons à l’insuffisance de l’expérience présente pour nous représenter le fait passé ; et, par là, nous ne faisons que substituer à la vue partielle et obscurcie que nous en avions un dessein plus étendu et plus net. • Les deux facteurs de l’évolution, la sélection et les agents mécaniques, ne doivent donc pas être placés sur le même rang dans la