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80 REVUE DE .MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

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déposées pendant les dernières myriades d’années, les affleurements successifs de ses caractéristiques profondes, il est, bien entendu, inutile de savoir comment l’idiome indo-européen est devenu grec, latin ou sanscrit, ou comment les formes agglutinatives procèdent des monosyllabiques, mais il importe de savoir ce que c’est qu’un langage en général. Or, sur ce point, la connaissance réfléchie acquise par l’étude de la grammaire comparée n’est certes pas un adjuvant négligeable à la connaissance instinctive qui ’préside aux recherches. Une théorie grossièrement erronée, comme celle de Bonald, n’aurait pu être inventée par un philologue contemporain, mieux informé que lui sur les multiples aspects de la question. De même, quelles fantaisies explicatives pourraient éclore dans le cerveau d’un physiologiste, ignorant, sinon méprisant la linguistique, qui s’imaginerait résoudre, avec ses seules ressources, les problèmes de l’origine et de la formation du langage ! Si l’on acceptait à la lettre les conclusions de M. Henry, l’avenir nous réserverait plus d’un étonnement, du genre’ de ceux que suscitent maintes théories psychologiques créées de toutes pièces par des médecins, à la faveur des découvertes de localisations cérébrales. On est, d’ailleurs, beaucoup trop enclin à dépasser la portée des explications génétiques et évolutionnistes. Le phénomène qu’elles concernent a passé par une infinité de degrés avant d’atteindre le sommet où nous le contemplons aujourd’hui. Nul n’en doute. Mais, en admettant que l’on puisse un jour reconstituer tous ces degrés, faut-il encore qu’ils soient les degrés d’un même « escalier ». Qui ne voit ici combien le simple rapport de succession, ou d’antécédent à conséquent, avec ou sans le concours de causes, soit internes, soit externes, telles que la sélection, l’état des organes, l’état du milieu, est, à lui seul, incapable de créer cette unité au sein de la diversité, en vertu de laquelle on regarde une suite d’événements comme un même phénomène se modifiant à travers la durée ? Entre deux termes, A et B, de la série, ni la succession, ni la causalité n’établiront ïe lien qu’implique l’unité (A.B) dont il s’agit, car c’est une unité logique. Si l’évolution explique le langage tel qu’il existe aujourd’hui, inversement c’est l’idée actuelle du langage qui produit la matière même de l’explication évolutionniste.

Mais pénétrons plus avant dans le détail de cette explication. Le premier des facteurs qu’elle met en jeu est la sélection darwinienne. Le cri réflexe a fini par s’élever, au rôle de ; signe grâce à cette