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2 REVUE DE HÉTAPHYSIÛDE ET DE MORALE.

pour nous suffire. Aussi avons-nous recours à un artifice. Ce qui nous manque dans un objet, nous le cherchons dans ce qui l’entoure, j Nous rattachons cet objet à ses conditions, à ses suites, nous l’exa-j minons en ses parties. Bientôt même nous le perdons de vue, et nef considérons plus que les groupes et les séries dont il a été Focca-j sion et qui permettent à l’esprit de passer rapidement d’un terme à l’autre, de se répandre facilement en tout sens. Bref, nous coordonnons, nous organisons, pour embrasser le plus de choses possible dans le moins de temps possible, et pour remplacer l’intensité de la connaissance par l’extension de la connaissance. Cette définition de la dialectique que l’on pourrait aisément rapprocher de celle du progrès dans la constitution même des êtres se trouve, au moins en germe, dans la plupart des doctrines philosophiques. Seulement on n’en tire pas ordinairement les importantes conséquences qui y sont contenues, et tout d’abord une rectification des idées courantes sur la nature de la vérité scientifique. La science, disons-nous, consiste à coordonner. Il ne s’agit pas pour elle de chercher le secret de l’être, de dévoiler des mystères si elle le fait, ce n’est qu’indirectement mais de mettre en ordre ce que nous connaissons. Que cette mise en ordre soit précise et étendue ; que rien de ce qui se prête à l’organisation ne reste inorganisé que la série des termes organisés s’avance aussi loin que possible, et dans la méme mesure le but de la science sera atteint. Dans la même mesure aussi la vérité scientifique sera établie. Aucun autre principe ne doit intervenir. La coordination n’a d’autre critère qu’elle-même. Par cela seul qu’elle est faite, elle est bien faite. Mais la coordination n’est-elle pas progressive ? La vérité scientifique l’est’ donc également. Progressive, non seulement dans l’esprit qui ; :] : la cherche, mais en elle-même. Ce que Carnéade disait de la vrai- l semblance, il faut le dire, sans hésiter, de la vérité scientifique. Celle-ci n’est point chose fixe, immobile, indivisible. Elle va se faisant, elle comporte des degrés, selon que la coordination est plus ou moins ample et serrée. D’ailleurs ce n’est pas une raison pour effacer ou atténuer l’ancienne distinction entre l’erreur et la vérité. Bien loin de là, il faut chercher à l’accuser fortement. L’erreur, c’est tout autre chose qu’une moindre vérité, c’est la contradiction même de la vérité. Tantôt elle introduit dans la coordination un élément qui lui fait obstacle comme ferait obstacle au fonctionnement d’une machine un corps étranger introduit dans ses