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866 KEVCE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

morale sont donc expliqués par le désir de supprimer un scandale logique.

Ce scandale logique peut éclater de diverses manières à chacune d’elles correspond une forme spéciale de l’obligation. Considérons d’abord un événement isolé d’une vie individuelle en vertu du principe de l’uniformité des séquences, il doit être accompagne d’un cortège d’antécédents et de conséquents qui lui soient proportionnés. Si donc il y a disproportion entre cet événement et les événements voisins, nous serons choqués comme si dans la nature physique nous voyions une cause sans effet ou un effet sans cause une action sans réaction correspondante, une émotion sans action préalable, ce sont là deux absurdités. Donner à autrui la récompense ou la punition que mérite son acte, lui enlever l’émotion agréable qu’il n’a pas méritée par une action, cela s’appelle dans le langage vulgaire être juste. Et l’on nomme charitables ceux qui veulent éviter la douleur aux êtres qui ne l’ont pas méritée par des actes répréhensibles la charité, ainsi entendue, n’est donc qu’une forme de-la justice. Examinons maintenant la série des actions d’un même agent. Voici les contradictions qu’elle peut présenter. J’ai conscience, d’une part, que je suis un agent moral, c’est-à-dire réfléchi j’ai conscience, d’autre part, que je laisse parfois l’instinct s’introduire dans ma vie je suis et je ne suis pas un agent moral, il y a contradiction. Et cette absurdité peut se manifester dans la vie d’autrui comme dans la mienne. Le désir de dignité naît de la vue de cette contradiction. Le même désir surgit si, de propos délibéré, je ne me traite pas moi-même comme égal à moi, ou si autrui ne se traite pas comme son propre égal. Enfin, examinons les actes de plusieurs agents qui influent les uns sur les autres. Je suis l’égal de mon voisin, et cependant il m’impose sa domination, ou bien il diminue, par une injure ou par un coup, la valeur de ma personne je ne suis plus l’égal de mon égal. Et, de même, mon égal peut abdiquer à mon profit une partie de sa personne, me rendre un service qui augmente ma propre valeur sans que je l’aie voulu moi-même de cette manière encore, mon égal n’est plus mon égal. Ou bien, il s’agit de deux êtres inégaux, mais le bienfait ou le méfait modifie leur rapport mon supérieur, lorsqu’il me fait don d’une partie de lui-même, diminue la distance qui nous sépare mon supérieur est mon égal. Et réciproquement, mon inférieur, lorsqu’il porte atteinte à ma dignité, me rabaisse à son niveau mon inférieur est mon égal.