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la fonction même de l’entendement ; il n’est pas régi par des lois externes, mais il n’échappe pas non plus à toute loi c’est lui qui est la loi ; son existence, c’est de se développer conformément à la loi qu’il a lui-même posée.

En même temps, puisque l’activité de l’esprit est autonome, capable d’étendre à l’infini son progrès interne, tombent les étranges difficultés soulevées par la conception de l’âme individuelle. La notion d’individu est en apparence une notion positive parce que nous sommes habitués à considérer les autres hommes suivant l’apparence extérieure qui seule nous est donnée, parce que nous nous habituons à nous considérer, à notre tour, tels que nous apparaissons au dehors. Mais en réalité. dans la conscience directe que nous prenons de notre évolution interne, nous n’éprouvons nullement que nous ayons une nature fixe, un caractère donné comme du dehors, une destinée imposée. Du jour où une certaine nature et une certaine destinée seraient inhérentes à notre substance particulière, la vie de l’esprit deviendrait insignifiante. L’individualité en vertu de laquelle nous recevrions pour toujours une définition, en vertu de laquelle une qualité nous suivrait jusqu’au delà de la tombe, serait un arrêt dans ce mouvement que nous nous sentons toujours pour aller plus loin, la négation partielle de l’esprit. Si donc nous demeurons des individus, puisque nous ne saurions nous affranchir de nos fonctions corporelles ou de nos fonctions sensibles, nous ne sommes jamais dans la même mesure ni au même degré des individus, nous ne sommes jamais le même individu. L’individualité n’est qu’un point de départ pour s’élever à la vie spirituelle qui nous apparaît comme la raison positive de notre existence et qui s’ouvre de plus en plus large à notre effort intérieur, parla que nous remplissons mieux notre véritable destinée, au delà de ce qui n’intéresse que notre personnalité organique, en communion toujours plus étroite avec la totalité des êtres pensants.

Enfin, si l’expérience la plus simple et. la plus constante ; nous apporte la conviction de notre unité spirituelle, alors disparaît du même coup l’obstacle le plus redoutable à la lumière et au progrès de la pensée la philosophie du sentiment et la philosophie de la volonté n’existent littéralement pas. Certes il ne suit nullement de là que les systèmes désignés sous ce nom doivent rien perdre de leur intérêt, même de leur valeur de vérité. Ayant enfermé dans certaines limites la compétence et la portée de la raison spéculative,