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836 r) REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

ce qui se voit quelque chose qui ne se voit pas ; il lui suffit d’être lui-même pour se rendre compte de ce que sont les mots, de ce qu’il y ’ajoute, et que ce qu’il y ajoute c’est justement ce qui les fait exister le signe prend naissance au moment où lui est donnée la signification. Telle est en définitive l’expérience à laquelle nous faisons appel en se dégageant du réseau fixe des mots, en s’élevant à l’idée une en qui ces mots se comprennent, l’esprit aperçoit que cette idée unique est raison et origine du réseau tout entier, que c’est de l’acte spirituel que procède la réalité matérielle, et que c’est au renouvellement de cet acte qu’elle doit l’apparence de sa stabilité par là même il prend conscience de son autonomie, il se reconquiert lui-même. L’intelligence a l’air d’interpréter le texte du livre l’interprétation équivaut en réalité à la création comprendre le texte, c’est retrouver, c’est former à nouveau la pensée d’où le texte a découlé. La fonction intellectuelle crée l’organe intellectuel, c’est-à-dire, en termes plus simples, que l’esprit est véritablement activité. Conclusion qu’il n’est pas téméraire sans doute de présenter comme conforme au sens commun, puisqu’elle se confond avec la conscience que l’esprit prend de son existence, et qu’elle se vérifie à. chaque instant dans la vie pratique. Qu’est-ce que vivre au milieu des autres hommes, si ce n’est pas constituer avec des actions perçues isolement des systèmes intelligibles et les rapporter à un centre de coordination qui s’appelle une personne ?

Ce n’est pas tout si l’esprit est puissance originelle de production, il n’y a pas de limite qui s’impose à cette puissance de production. Les idées, une fois exprimées, apparaissent comme bornées par leur expression même ; mais dans l’esprit qui les a formées elles vivent, et leur vie est une capacité de développement spontané. Qu’est-ce que réfléchir, si ce n’est ou démêler dans une première idée d’autres idées ou rapprocher cette idée de notions préalablement acquises pour s’élever à une conception supérieure ? Or l’idée nouvelle n’est pas simplement le produit d’un esprit qui en tant qu’instrument de production demeurerait identique à lui-même ; l’activité spirituelle n’est que la vitalité même de nos idées ; par le fait de notre travail nous nous sommes transformés, et puisque notre travail a été purement interne, puisqu’il n’y a pas d’idée qui ne comporte quelque approfondissement ultérieur, qui ne se prête à quelque relation nouvelle, la vie spirituelle est une transformation incessante et indéfinie. Nous avons toujours, suivant l’expression de