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G. lecïiaxas. – De l’infini mathématique. 465

Dans la théorie que nous venons de résumer, le nombre cardinal naît de la considération de collections concrètes ; il ne constitue, aux yeux de ses adeptes, qu’une application empirique, de la théorie apriorique du nombre ordinal, véritable base de l’Analyse. Pour M. Couturat, nous l’avons déjà indiqué, cette théorie soi-disant apriorique est au contraire essentiellement empiriste, attendu que le nombre ordinal vidé de toute signification, tel qu’on nous le présente, n’a qu’une valeur purement formelle et est impuissant à engendrer la véritable notion du nombre, celle du nombre cardinal. « On est obligé de recourir à l’expérience, dit-il, pour remplir ces symboles formels et abstraits, et leur rendre en quelque sorte la réalité et la vie. Or, cette application du symbolisme arithmétique au monde physique ne peut se faire que par la synthèse expérimentale du concret et de l’abstrait, qui fait rentrer dans les schèmes analytiques la matière donnée dans la perception et qui se tradui.t par des postulats ; ainsi reparaissent, comme vérités expérimentales, et par suite contingentes, tous les axiomes posés d’abord à titre de conventions arbitraires ou de principes rationnels, (p. 321.) » Pénétrant plus avant dans cette critique, M. Couturat annonce qu’il va montrer que l’idée de nombre entier se trouve d’avance impliquée dans le,processus psychologique du dénombrement, par lequel on prétend expliquer le nombre cardinal. Helmholtz reconnaît implicitement que, pour qu’on puisse appliquer la suite des nombres ordinaux à une collection d’objets, il faut que chacun d’eux soit’ conçu comme une unité, car il impose au dénombrement la condition suivante « Les objets nombres ne doivent pas, pendant qu’on les compte, disparaître, se fondre les uns dans les autres, ou se diviser, etc. Chacun des objets doit constituer un individu durable et reconnaissable. » Donc chaque objet doit être conçu comme un, et identique à lui-même, et ’cette unité est essentiellement d’ordre rationnel, car peu importe que les objets aient réellement ces caractères d’unité et d’identité absolues.

La nécessité de cette unité et de cette identité de chaque objet apparaît encore mieux dans la démonstration de l’invariance du nombre, qui suppose deux dénombrements distincts dé la même collection. Il faut en effet, non seulement que chaque objet soit conçu comme un dans chaque dénombrement, mais encore qu’il soit conçu comme le même. Maintenant, que, physiquement, cette condition ne soit pas satisfaite, le nombre variera1 d’un’ dénombrement.à