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C. BOUGLÉ. ANTHROPOLOGIE ET DÉMOCRATIE. 481

•préhension et dans son extension, et par suite se rendre compte que les mêmes caractères conviennent aux individus les plus différents, telles sont les conditions psychologiques de la proclamation de l’égalité humaine. Il est donc naturel que tout ce qui contribue à installer-dans l’esprit des hommes ces deux idées de l’humanité et de l’individualité et à. les y laisser en présence, face à face et comme seule à seule, par suite tout ce qui tend à effacer les distinctions de tout genre grâce auxquelles, classant les hommes en autant d’espèces particulières, nous risquions d’oublier à la fois ce qu’il y a de commun à. tous et ce qu’il y a de propre à chacun d’eux, tout cela tende aussi à mettre en pleine lumière l’idée d’égalité. Or ne serait-il pas possible de prouver que, ces mêmes démarches de l’esprit, la plupart de ces transformations de la société qu’en-. traîne la civilisation semblent bien faites pour les provoquer ? On a dit que la civilisation multipliait le nombre des cercles sociaux auxquels appartient un individu’ ; que, tandis que le primitif est, à peu près exclusivement, membre de son clan, le civilisé est membre non seulement d’une famille, d’une cité, d’une patrie, mais de cent associations locales ou internationales. Ne se rend-on pas compte que, par l’effet même de cette multiplication des groupements, l’esprit détache plus aisément l’individu de tel ou tel d’entre eux., prendl’habitude de le penser, pourainsi dire, hors cadressociaux, et par suite de mesurer sa valeur non plus à sa classe, mais à son mérite individuel ? D’un autre côté, s’il est vrai que la civilisation ° tende à l’unification des sociétés, en subordonnant les groupements locaux et partiels à la puissance de grands États centralisés, n’est-il pas vraisemblable que cette centralisation unifiante, en abaissant tous les groupements intermédiaires entre l’État et les individus, facilite le penchant de ceux-ci à se regarder comme égaux devant -une- loi supérieure- à tous ? On a souvent noté que les États les plus centralisés sont aussi ceux où se pose le plus nettement la .notion des droits de l’individu 2, et que la marche d’une nation vers l’unité est en même temps une conquête d’égalités. De même, s’il est vrai qu’un double courant dirige l’évolution des sociétés et que, par les lois de l’imitation, elles tendent à devenir, en un sens, plus homogènes, tandis que, par les lois de la division du travail 3, elles tendent 1. Cf. Simmel, Vie Soziale Differencierung.

. Cf. Prins, l’Organisation de la Liberté, premiers chapitres. . Cf. la Division du Travail, de M. Durkheim et les Lois de l’Imitation, de M I arrlc.