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G. MILHAUD. – UNE CONDITION DU PROGKÈS SCIENTIFIQUE. 427 a de plus simple, de plus primitif, de. inoins p ce paré, de moins attendu ? Dès qu’elle est moins spontanée, qu’elle est tant soit peu provoquée à plus forte raison quand l’observation se revêt des règles de la méthode expérimentale la plus parfaite, n’est-elle pas inséparable de quelque idée a priori, de quelque théorie ? C’est là ̃ un point sur lequel il est devenu banal d’insister depuis l’ « Introduction à la Médecine expérimentale ». 11 n’apparaît donc pas que .l’incompatibilité doive se trouver aussi forte qu’on le dit entre les caractères ’essentiels de la méthode expérimentale et l’orientation naturelle de la pensée hellène. A la rigueur, à propos de l’observation des faits imprévus, des phénomènes sans suite, sans raison, au moins provisoirement, nous comprendrions qu’on se posât la question de savoir si les Grecs étaient capables de les noter scrupuleuse-, ment, avec toute l’attention que doit le savant à tout phénomène constaté, quel qu’il soit. Mais ici justement, nous l’avons dit, aucun doute n’est possible l’exemple d’un Aristote ne permet pas de dire que les Grecs n’aient pas su recueillir toutes les observations qui s’offraient à eux.

On dira peut-être qu’il faut distinguer entre l’idée toute relative, toute provisoire, tout imprégnée du doute scientifique qu’un Claude Bernard réclame comme règle directrice de l’expérience, et les systèmes théoriques absolus, où l’esprit grec risquait de laisser se perdre toute sa liberté d’appréciation. On dira qu’il faut distinguer entre le caractère provisoire et seulement approché des théories qu’élaborent nos savants, et l’idée de la science achevée et rigoureusement parfaite que se faisaient les Grecs. Cela est juste, et nous n’hésitons pas à reconnaître que c’est la conception relativiste qui s’adapte le mieux au développement et au progrès de la méthode expérimentale. Mais d’abord on pourra remarquer que les efforts des. sceptiques grecs ont certainement contribué à préparer cette conception relativiste I, plus à nos yeux que n’en était capable le fidéisme religieux du moyen âge. Ensuite, et surtout,, n’est-il pas évident que, si précieux que soit ce relativisme pour la formation de la méthode expérimentale, il ne lui était pas indispensable ? Est-il vraiment nécessaire, ̃̃ pour que le physicien se livre à des expériences d’optique, que l’éther n’ait pas pour lui une existence assurée ? Était-il nécessaire, pour que Newton déterminât l’énoncé de sa loi, qu’il fût pénétré du i. Cf. Brochard, op. cit.