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R. EUOKEN. – LA PHILOSOPHIE ET LE MOUVEMENT RELIGIEUX. 413 l’activité de l’individu n’est pas mise en relation avec une conscience idéale et mesurée par elle ? Mais le domaine moral manifeste d’une | manière encore plus saisissante, en forme et en contenu, la réalité 1 d’une origine hyperempirique et de forces hyperempiriques. Car il 1 1 présente ses biens comme incomparablement supérieurs à tous les intérêts du monde, ses exigences comme ayant une valeur inconditionnelle la morale ne s’abandonne pas au penchant et au caprice de l’homme, elle lui parle le langage de l’obligation, du devoir supérieur à tous les caprices. Mais en fait elle exige un affranchissement du moi au sens étroit, une adoption des autres, et de l’infini lui-même dans le vouloir et l’être propres ; comment seraient possibles sans cela l’amour, la justice, une action désintéressée favorable à la communauté ? Toute spiritualité perd sa cohésion interne et sa forcé motrice, si c’est l’être immédiat qui doit constituer son dernier fon-ji dement et sa fin la plus haute, si elle n’est pas conçue comme lef développement d’une vie plus originale et plus essentielle. Mais que cela se produise, sous l’influence d’une conviction religieuse au sens universel du mot, alors toute vie spirituelle en éprouvera un accroissement de force, d’intériorité, d’organisation. En ce sens aller à la religion, ce n’est que prendre conscience de l’âme profonde de la } ’vie.

Mais cette forme universelle de la religion n’est pas la forme unique -,que dis-je ? – _n’a jamais été la forme sous laquelle la religion est devenue une force antonome, et a conquis un domaine p.ropre. Une religion positive n’a pas pour origine le fait général de la vie | spirituelle, mais une réaction contre des obstacles graves, contre de grandes difficultés, au cours de la vie de l’esprit. Manifestement le mouvement spirituel n’est pas un développement paisible, un progrès sans obstacles, mais un rude combat qui se livre non seulement contre l’ennemi extérieur, mais encore contre soi-même, et dans ce combat l’inférieur s’affirme souvent, il séduit les forces de l’esprit, les détourne de leurs vraies fins, et, dans sa croissance ; devient, grâce à cette aide, une force démonique. Ainsi vient à s’immobiliser le progrès du développement spirituel, la raison semble incapable d’atteindre des fins, une crise grave se prononce, la force est paralysée, les peines infinies que le travail de vivre a coûté semblent perdues. Ces obstacles sont bien trop considérables, pour être franchis par un progrès continu, par une lente accumulation d’efforts ; pour éviter que toute la force et toute l’énergie de la vie s’effondrent,