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v. delbos. Matière et. mémoire. 375

unité ne se brise en apparence qu’en tombant sous le regard de la conscience humaine mais, pour M. Bergson l’intuition psychologique, plus positive, et en ses données immédiatesincontestable, peut révéler ce qu’on réclame de l’intuition intellectuelle non pas qu’elle se résume pour nous dans un acte simple qui en déploirait d’un coup tout le contenu ; mais ce que nous saisissons d’elle nous permet de retrouver ce qu’elle est. Il y a moyen de « reconstituer, avec les éléments infiniment petits que nous apercevons de la courbe réelle, la forme de la courbe même qui s’étend dans l’obscurité derrière eux. En ce sens, la tâche du philosophe, telle que nous l’entendons, ressemble beaucoup à celle du mathématicien qui détermine une fonction en partant de la différentielle. La démarche extrême de la recherche philosophique est un véritable travail d’intégration » (p. 204). Quels sont, en ce qui concerne la matière, les principaux résultats de ce travail ?

D’abord tout mouvement, en tant que passage d’un repos à un repos, est absolument indivisible. Cette proposition est l’expression d’un fait, dégagé seulement des interprétations hypothétiques qui le dénaturent. Quand nous percevons à l’intérieur de nous-mêmes un mouvement accompli par notre bras, nous éprouvons une sensation continue qui commence au moment où le mouvement commence, qui ne finit qu’au moment où le mouvement finit lui-même, et nous ne doutons pas que cet acte de perception, dans la durée où il s’est développé, ne soit indivisé. Quand nous percevons ce même mouvement comme un objet extérieur, il nous semble que dans l’espace où il se déploie il puisse à chaque point être divisé. Mais, en fait, dans ce dernier cas notre vue a bien saisi le mouvement à l’état d’indivision, car si le mouvement traverse, pour aboutir à son terme, des points intermédiaires, il y passe sans s’y arrêter, et c’est ce passage même qui le fait mouvement. Seulement nous soustendons derrière le trajet réel parcouru par le mobile la trajectoire qui le symbolise, et comme cette trajectoire est une ligne divisible à l’infini, nous attribuons le caractère de divisibilité à l’infini au. mouvement lui-même nous représentons la durée sans moments dans laquelle le mouvement s’écoule par l’espace homogène dont l’infinie divisibilité sollicite en retour l’infinie divisibilité de la durée. Et comme, devenu ainsi divisible, le mouvement paraît s’arrêter à chaque point de l’espace, nous supposons que le mobile, est effectivement en repos à chaque point, et dès lors nous sommes impuis^