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372 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ’ET DE MORALE.

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surtout saisir les différences individuelles, la seconde les qualités impersonnelles. C’est en allant de l’une à l’autre, en se déployant à travers les deux, que l’esprit conçoit les idées générales les idées générales résultent bien de ce double mouvement ; elles ne pourraient être formées par une sorte de procédé logique fixe sans impliquer un cercle vicieux ; car, si, pour généraliser, il faut avoir abstrait, c’est-à-dire dégagé du concret les qualités qui peuvent être étendues aux individus, pour abstraire, il faut avoir généralisé, c’est-à-dire discerné les qualités qui sont communes et essentielles. Mais en fait nous ne partons pas, comme le supposent également nominalistes et conceptualistes, de la perception d’objets individuels ; nous partons d’un sentiment confus de qualité marquante ou de ressemblance qui engendre ultérieurement par voie de dissociation la généralité clairement conçue et l’individualité nettement perçue. La ressemblance agit mécaniquement sur nous avant d’être traduite en idée, et notre premier sentiment de la généralité n’est que la conscience d’une identité d’attitude dans une diversité de situations. C’est alors que la mémoire et l’entendement entrent en jeu, la mémoire greffant des distinctions sur les ressemblances spontanément abstraites, l’entendement dégageant de l’habitude des ressemblances la notion de la généralité. L’idée générale se forme et s’éprouve ainsi, se mouvant entre les deux limites de la mémoire pure et de l’action. C’est pour l’avoir fixée à l’une de ces deux limites qu’on la confond, soit avec le mot qui la traduit, soit avec les multiples images individuelles qui en sont l’équivalent. On oublie que l’essence de notre vie psychologique est de se répéter à des plans divers entre ces deux plans extrêmes, le plan de l’action, où le corps a contracté son passé en habitudes motrices, et le plan de la mémoire pure, où l’esprit conserve dans tous ses détails le tableau de la vie écoulée.

C’est encore parce qu’il a confondu tous ces plans de conscience différents que l’associationnisme n’a pas pu rendre compte des lois d’association par contiguïté et par ressemblance. Ces deux lois, dans l’expression vague qu’il leur donne, ne déterminent rien ; car il n’est pas d’idée qui ne puisse trouver, pour ressembler à une autre, quelque genre commun et qui ne puisse par là aussi devenir proche de toute autre idée d’abord lointaine. Au fond, pour l’associationnisme, chaque souvenir est un acte figé, dont on ne peut dire ni pourquoi il vise à s’en agréger d’autres, ni pourquoi il choisit, en vertu de