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A. SPIR. LES FONDEMENTS DE LA RELIGION Et DE LA MORALE. 351


nature. et les voies tortueuses qu’elle a suivies pour arriver à ses fins ? Quiconque aurait contemplé la terre aux âges où elle n’était peuplée que de reptiles, aurait-il pu prévoir ou croire que, sur cette même terre, apparaîtrait un jour un être capable de mesurer les cieux visibles, et, qui plus est, d’atteindre la notion de l’absolu et de pénétrer toutes les apparences naturelles qui déguisent la vue réelle des choses ? Néanmoins, ce prodige s’est accompli, non pas à la manière d’un miracle vulgaire, mais. au moyen d’une évolution lente, à travers des empêchements et des déviations sans iiombre. Telle est donc la puissance du divin dans ce monde, quoique Dieu ne soit pas une cause physique. Et nous, les enfants privilégiés de la création,’ destinés à promouvoir les fins suprêmes de la nature, et à participer par un côté de notre être au caractère divin, ou. absolu, nous serions voués au néant ! Quelque chose de divin ne se serait édifié en nous que pour disparaître sans trace à notre mort ! Non ; tout ce qui est marqué du caractère divin est impérissable ; notre immortalité nous est donc assurée par le fait même que nous possédons la religion*

Maintenant on voit aussi clairement quelle est la vraie nature de la religion. La religion ne consiste pas, comme on se l’imagine souvent, à croire ceci ou cela, et à pratiquer différents rites ou différentes cérémonies. Elle ne doit pas être non plus considérée comme un vêtement de fête, qu’on dépose en sortant de l’église. La religion est une vie supérieure, une vie vouée au culte du bien et du vrai ; car Dieu, l’objet de la religion, n’est rien autre que le bien et le vrai pur, l’être suprême et parfait, la .norme des choses. Il ne peut et ne doit donc y avoir aucune séparation entre la religion et la vie. Mais la religion ne peut pas constituer toute la vie elle donne à la vie le ton ou l’esprit, mais non le contenu, que nous ne pouvons emprunter qu’à la nature physique. C’est ce que ces deux grands maîtres, le Bouddha et le Christ, semblent avoir méconnu. Aussi ont-ils eu une vue trop étroite de la vie humaine, une vue dans laquelle il n’y avait de place ni pour la science, ni pour l’art, ni pour l’industrie. Sans tout cela pourtant, la vie de l’humanité serait trop vide et trop pauvre a tous égards. L’idéal n’est pas le fainéan.t et le mendiant, mais le travailleur non pas une vie ascétique ou monacale, mais une vie active consacrée à la réalisation du bien et du vrai. Pour cela, il faut chercher à acquérir, non seulement des vertus et des connaissances, mais aussi des biens matériels. La recherche des biens physiques ne devient