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A. SPIR. – LES FONDEMENTS DE. LA RELIGION ET DE LA MORALE. 347 · _· _a r.a

nous n’existons que par la conscience du moi, qui est au fond purement idéal, qui est une simple idée ou apparence d’un objet réel, ` indivisible et permanent.- -C’est parce qu’il n’y- «’en nous, comme individus, rien de vrai ou de vraiment réel, que la conscience de soi nous paraît être la chose essentielle. C’est donc précisément la nature illusoire de la vie consciente qui nous la fait paraître comme la seule vie réelle. Un être absolu ou vraiment réel, c’est-à-dire possédant une nature vraiment propre à lui, se possède de par sa nature même, et n’a pas besoin de se tenir encore dans l’idée ou dans la conscience ; il est en réalité ce que nous ne sommes qu’en idée ou en apparence un moi. L’existence absolue est donc aussi supérieure à l’existence consciente que la réalité l’est à l’apparence. Aussi ne pouvons-nous participer à -l’existence réelle et éternelle, à la vraie possession de ` nous-mêmes, qu’en renonçant à nous-mêmes, à notre- moi conscient, qui est illusoire et" voué nécessairement à l’anéantissement. Ce n’est pas notre moi empirique tout entier, avec ses anomalies, ses défauts et ses misères, mais seulement la meilleure partie de nous-mêmes qui peut survivre éternellement, et c’est à édifier cette meilleure partie et à nous réfugier de plus en plus en elle, que nous devons consacrer tous nos efforts. Notre vrai moi est à l’abri du néant. Nous ne pouvons, il est vrai, nous faire aucune idée dé cette existence supra-consciente, si l’on peut s’exprimer ainsi, mais nous n’en avons pas moins la certitude parfaite. C’est un fait qui a ses analogues dans notre1 expérience. Il est probablement arrivé à chacun de nous de.rencontrer des choses ou des faits dont il ne soupçonnait pas même la possibilité avant cette rencontre, et qui n’en étaient pas moins réels. Un aveugle-né ne peut se faire aucune idée de la lumière et des couleurs, et pourtant la lumière et les couleurs existent, et l’aveugle* peut lui-même en acquérir la certitude par le témoignage des autres hommes. Ainsi en est-il de l’existence réelle ou absolue, dont nous n’avons aucune idée concrète, mais seulement un concept abstrait^ et qui n’en est pas moins certaine pour nous. Posséder l’idée o de l’absolu, du divin et de l’éternel, nous est déjà un gage sûr d’éter" nité ou d’immortalité ; l’enthousiasme et la pratique du bien, du renoncement à soi-même et de-la charité, rend la participation à l’existence éternelle plus vivante, et la certitude de cette existence plus complète. Aussi l’homme de bien est-il sûr de son immortalité il la goûte dès à présent.

En théorie, la plupart des hommes sont incapables de comprendre