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A. SPIR. LES FONDEMENTS DE LA. RELIGION ET DE LA MORALE. 34S c’est la- manière d’être d’un phénomène ; et quand un phénomène apparaît comme un objet réel ou absolu, il est un fantôme. Voilà donc notre cas. En naissant à la réflexion, nous nous trouvons au fond d’un abîme, nous constatons que notre existence tient à une illusion et s’achemine vers un prochain anéantissement. Quelle est donc la voie et quels sont les moyens du salut ? A première vue, il semble qu’iLn’y en ait point, et qu’on doive ou se tuer ou se réconcilier avec l’idée de son néant, et dire avec, les épicuriens : « Mangeons et buvons, car demain nous ne serons plus. »v Cependant, le fait même que nous reconnaissons notre néant est propre à nous rassurer, caril prouve que nous possédons quelque chose qui nous élève au-dessus de ce néant. En effet, nous possédons la notion de l’absolu, notion qui est la foi fondamentale .de la pensée, et qui nous donne la certitude que l’absolu ou Dieu existe et qu’il est la nature normale des choses, par conséquent que nous sommes apparentés à.Dieu par le côté supérieur de notre. être. Nous avons aussi le sentiment intime et immédiat de .notre parenté avec Dieu, et c’est» ce sentiment qui est la base de la religion. Cette certitude nous indique d’une manière positive la voie du salut. Pour se soustraire au néant et s’assurer l’immortalité, pour participer à l’existence absolue et éternelle, il faut renoncer à soi-même, c’est-à-dire à son moi conscient, qui est vide et illusoire, et s’identifier avec notre vrai moi, avec la nature normale des choses ; qui est le divin, et l’éternel, en vouant sa vie au culte du bien et du vrai. La voie du salut a, déjà été enseignée aux hommes, surtout par ces deux grands précepteurs de l’humanité, le Bouddha et le Christ. Mais l’enseignement même dé ces deux maîtres est vicié par des erreurs, et notamment la doctrine du Christ est ,viciée par la croyance à l’immortalité du moi conscient, croyance qui est en flagrante contradiction logique avec la voie même du salut le renoncement à soi-. même, à son individualité consciente. Pauvres somnambules que les hommes qui cherchent à se sauver de leur néant et né trouvent point d’autre moyen que de croire à la continuation de cette vie d’illusion pendant toute l’éternité ! Ils se la représentent,, il est vrai, comme une éternité bienheureuse, mais ils n’y croient pas en réalité ; ils s’efforcent seulement d’y croire, et n’y réussissent point. Car, que voyons-nous en fait ? Les hommes qui se promettent, après la mort, une vie éternelle" et bienheureuse n’en éprouvent pa’s moins une répugnance extrême à mourir ; la mort les terrifie et les afflige, et