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326 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

tels sont les moyens grâce auxquels on se flatte de réussir à chasser toute subjectivité et d’assurer une certitude stable. Mais d’abord, à l’égard de ce qu’on nomme « faits », on est, comme nous l’avons déjà fait remarquer ailleurs, victime d’une illusion que notre invétéré réalisme nous empêche de démasquer. Si même les faits étaient quelque chose en eux-mêmes, et indépendamment de notre pensée, cela ne nous autoriserait nullement à méconnaître que c’est seulement après avoir subi la réfraction mentale qu’ils existent pour elle, et que c’est seulement après avoir, sous cette forme d’existence, subi une élaboration qui les transforme en interprétation d’eux-mêmes, qu’ils sont mis en œuvre par elle quand elle veut donner ses affirmations un caractère scientifique. L’interprétation seule des faits, et non les faits eux-mêmes, intervient dans les prémisses réelles des raisonnements les faits ont l’air d’y intervenir, mais ils ne sont que l’occasion ou le support de cette interprétation, et ils nous la dissimulent, comme un échafaudage qui cache la véritable construction. S’il en est ainsi, d’une part, le respect des faits dans la recherche des solutions des problèmes psychologiques n’assure nullement à celles-ci le caractère rigide et ne varietur, puisque ce respect n’est que le respect pour une certaine interprétation, purement subjective et même à nuances individuelles très nombreuses (comme le montrent et la divergence des doctrines chez les psychologues se réclamant des mêmes « faits », et la variation de doctrine chez un seul et même psychologue en présence des mêmes « faits ») – et, d’autre part, notre règle de méthode est ici d’une application d’autant plus aisée qu’elle est appliquée tous les jours subeonscieminent. Nous n’aurons qu’à rendre conscient ce processus subconscient d’interprétation, et, reconnaissant que ce qui paraissait comporter de soi la certitude, ne peut la comporter que grâce à nous et, en réalité, ne présente que l’apparence de l’immutabilité, nous n’aurons pas de peine à reconquérir, quand nous le tenterons, le mouvement libre de notre pensée que l’on voudrait arrêter par les faits, c’est-à-dire par une de ses,manifestations éloignées.

Examinons maintenant le second artifice par lequel on cherche à éliminer des solutions psychologiques, le subjectif et la variabilité les formes logiques. L’intervention prépondérante de la raison raisonnante n’est, en matière psychologique, qu’une apparence. Le raisonnement y est quelque chose d’adventice et il n’est pas un priiis, mais un posterius il n’y est pas employé naturellement et spontané-