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31 S REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

c’est cet élément qui désigne la perception réelle par opposition à la perception imaginaire. Et cet élément, que justement l’absolu · apporte avec lui, n’est mis en valeur que par la dialectique religieuse. Donc, aussi longtemps que l’on n’est pas arrivé à cette dernière, aussi longtemps qu’on ne l’a pas suivie jusqu’au bout, on risque de ne pouvoir atteindre la pleine réalité. Ne faut-il pas aussi tenir compte de la puissance du désir ? Le désir, ce transport de l’être vers un objet choisi, n’est-il pas déjà un commencement de production ? Or, le désir de la réalité concrète croit avec les progrès de la dialectique. Il n’acquiert toute sa force que lorsqu’on se sent «  en plein monde artificiel, c’est-à-dire au terme de la science, de la morale, et de la religion.

On remarquera le rôle particulièrement important que la dialectique religieuse, par sa place et son objet, est appelée à jouer en cette dernière œuvre. Plus son travail aura été serré, plus la vie religieuse aura été intense, et plus aussi il y aura de chances en faveur d’une conscience vraiment concrète. La dialectique s’arrête, il est vrai, avant l’avènement de celle-ci, et l’on ne peut dire par conséquent que ce soit elle qui y préside. En outre, tout ce qu’elle peut faire ne suffit pas encore. Elle prépare les matériaux les plus importants, ceux qui risqueraient d’être le plus négligés, ceux qui se rapprochent le plus de l’élément caractéristique de la réalité. Mais il faut autre chose, quelque chose d’imprévisible. L’étincelle qui doit allumer le nouveau foyer échappe même à la dialectique religieuse. Elle est originale, elle est nouvelle ; elle est portée par le même vent que celui de l’inspiration ; elle vient ou ne vient pas ; et, en dernière analyse, il serait contradictoire de dire pourquoi. – Mais ne pourrait-on pas étendre quelque peu le sens que nous avons donné à la religion, de telle sorte qu’elle pût déborder légèrement la dialectique, et suivre jusqu’à la fin les destinées de son objet ? Cela permettrait de reprendre une de ses définitions les plus extérieures, celle en faveur de laquelle on a invoqué le verbe religare, et de lui communiquer une profondeur inattendue. Oui, pourrait-on dire, la religion sert en définitive à relier, à synthétiser, à unifier tout ce que la dialectique a séparé. Et ceux qui, comme Schleiermacher, ont prétendu qu’elle nous élève au-dessus de toutes les distinctions, même de celle de l’objet et du sujet, ont pu se tromper dans leur formule, ont pu intervertir l’ordre des choses, mais ont mis en avant une importante vérité. Une con-