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312 KEVUE DR MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

docteur, ce n’est point un moraliste. Gardons-nous même de chercher avec angoisse si, en lui, un homme irréprochable, parfait de tout point et à tout instant, a vécu pour nous, ce n’est point la personnification de la dialectique pratique : De même que je ne me soucie ni de sa parenté, ni de sa vie corporelle, pourquoi me soucierais-je de ce qui n’est pas en lui strictement religieux ? Pourquoi, par des questions indiscrètes sur des domaines étrangers, contristerais-je l’absolu qui m’attire en lui et que je veux élever en moi ? Ce que je cherche, c’est une apparition insondable d’amour et de lumière ; c’est le rédempteur du passé, et le maître de l’avenir ; c’est la parole, c’est l’accent, c’est la vie qui se mettent au travers des désespérances et des désolations tout le reste peut se voiler à l’arriére-plan. Nous choisissons donc un hors la loi, et nous transportons sur lui notre Dieu transcendant. II n’en résulte ni une réalisation de celui-ci, ni une diminution de la réalité de celui-là. Cete opération symbolise seulement l’un par l’autre. Le hors la loi choisi n’était que lui-même, il sera maintenant le représentant de la plus haute concentration de l’absolu à laquelle nous ayons pu atteindre. C’est en lui que nous penserons Dieu, que nous aimerons Dieu. Il deviendra la personne de Dieu, Dieu lui-même. En ce sens, l’ancienne théologie a pu dire avec raison que le Christ est une personne divine. Plus pénétrée de la distinction des diverses dialectiques, et des exigences propres à la dialectique religieuse, elle aurait pu dire hardiment l’unique personne divine. – Mais ce n’est là qu’un premier symbolisme ; en voici un second. En même temps qu’il symbolise l’absolu abstrait. le hors la loi choisi symbolisera les autres hors la loi concrets. Ceux-ci ne sont point perdus, puisque la dialectique les a réunis dans le Dieu transcendant, et qu’ils se retrouvent de cette façon dans le Dieu personnel lui-même. Ici, comme au cours de la morale et de la science, les derniers moments dépendent et bénéficient des premiers. Cependant nous ferons bien de donner à la personne divine une nouvelle signification qui nous permettra de tenir compte expressément des autres hors la loi. Elle sera donc pour eux, comme pour l’unité de l’absolu, un signe, un représentant, un symbole. Le drapeau et celui qui le porte ne représentent-ils pas, en même temps que la patrie, tous ceux qui la défendent ? Et ainsi rien ne sera exclu, rien ne sera perdu. Une occasion de large tolérance, de bienveillance profonde et positive, nous sera offerte. Dans les religions étrangères, dans ce qu’on ne savait appeler autrefois que les splendida peccata des sages païens,