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300 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

notre pensée. Au sein d’un monde où tout semblait entièrement déterminé, solidaire, transmissible ; parallèlement au réseau fatal d’événements et d’actions, nous avons vivement senti la part de l’imprévu ; nous avons saisi tout à coup la puissance qui arrête et qui recommence ; et cette impression nous a apporté le courage et la paix dans l’angoisse morale. C’est ainsi que les hors la loi de la théorie rejoignent les hors la loi de la pratique. Car il ne faut pas croire à une contradiction entre l’espérance et la résignation. La résignation est doublée d’espérance, comme l’espérance est doublée de résignation. On n’abdiqué toute prétention personnelle que parce qu’on s’en remet entièrement à l’absolu ; et, réciproquement, on ne s’en remet entièrement à l’absolu que parce qu’on abdique toute prétention personnelle.

Ce sont là des hors la loi éclatants. La dialectique essayera d’en justifier d’autres, plus modestes, mais importants encore. Dans la marche du monde, dans les principaux événements physiques ou spirituels, dans l’apparition des grands hommes, dans les crises intimes de la vie intellectuelle ou morale, partout où les hommes de science ne voient que des résultats complexes, quelquefois déconcertants, mais en définitive explicables, elle fera ressortir un élément d’absoluité bon à recueillir. – Ce prophète, cette série de prophètes, dira-t-elle, qui sort, non pas tout d’un coup, mais sans préparations ni transitions suffisantes, d’un peuple rebelle à sa mission, inaugure quelque chose de nouveau et apporte avec elle une part de divin. Cette institution, cette civilisation, cette floraison d’art, de science, de progrès sociaux, témoignent aussi d’un passage triomphant de l’absolu dans le cours des choses. C’est le vent de l’inspiration et du génie qui souffle où il veut et quand il veut. Et cette conversion qui, un jour, fait d’une âme sceptique, pécheresse ou cruellement fanatique, une âme charitable, croyante ou sanctifiée c’est encore quelque chose qui échappe, partiellement à la dépendance causale, c’est encore une création de l’absolu. -La dialectique religieuse s’attachera à la disparition des choses comme à leur apparition. L’absolu n’est-il pas un irrévocable de même qu’un imprévisible ?

Puisqu’il vient de rien, pourquoi ne pourrait-il aboutir à rien ? 

L’incoordination n’apparaît-elle pas au point de vue de l’effet aussi bien qu’au point de vue de la cause ? Ce qui est inexplicable en son origine peut, il est vrai, inaugurer une série de conséquents coordonnés. Mais la proposi tion inverse est également juste. Ce qui est ex pli-