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26 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

vaste. Elle ne saurait pourtant esquiver la restriction du premier terme que nous avons signalée au moment de l’empirisme, et qui subsiste pour les séries de concrets. Elle doit la subir encore pour les séries d’abstraits. Il en reste toujours un qui n’est que partiellement coordonné. Ainsi, par exemple, il a été question d’une unité suprême qualitative, d’où dépendraient toutes les essences mais où la saisir ? Pourquoi y en aurait-il une ? Le mouvement qui nous emporte d’une unité moins large à une unité plus large, ne doit-il pas se continuer à l’infini ? N’en est-il pas de cette régression causale comme de celle qui se poursuit dans le temps et l’es- ~L pace ? Même lorsque le monde donne n’offre plus de point de départ pour des abstractions nouvelles, ne faut-il pas aller de l’avant ? N’y a-t-il pas la nécessité du concevable, du possible ? Et, comme précédemment, le réalisme ne serait ici d’aucun secours. Nous connaissons les difficultés qu’introduirait la réalisation de l’universel dans le monde des concrets celles qu’introduirait la réalisation de l’universel dans le monde des abstraits ne seraient pas moindres. Pour

!i ne parler encore que de l’unité suprême qualitative, comment la 

faire coexister, réalisée dans le monde ou hors du monde, soit avec les choses concrètes, soit avec les choses intelligibles ? Le théisme platonicien, d’une part, le panthéisme spinoziste, de l’autre, qui correspondent à cette tentative réaliste, n’ont que trop montré leur impuissance radicale à nous donner une réponse satisfaisante. Une unité qualitative quelconque ne saurait être réalisée en même temps que les objets subordonnés qui s’y ramènent. A plus forte raison, une unité qualitative qui serait infinie, infinie non seulement dans une série, mais dans l’infinité des séries, et qui, par conséquent, devrait exclure toute autre existence que la sienne. Nous n’aurions plus, il est vrai, à faire coexister des concrets, mais notre embarras ne serait pas moins grand de faire coexister le fini et l’infini. Évidemment, l’organisation scientifique s’arrête devant de telles difficultés. Encore si, grâce à elles, on en évitait d’autres. Mais on ne fait que reculer la question du premier terme. Sans doute, r on dira que l’unité suprême est absolue, qu’elle se suffit à elle-même ; mais l’assertion est vaine. Nous le répétons, l’universalité, loin de garantir l’absolulité, doit l’exclure. Il est donc de beaucoup préférable de reconnaître l’impuissance du rationalisme à assurer une coordination définitive, et d’attendre un’nouveau procès de la dialectique théorique.