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23* REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

répugne à admettre l’indétermination absolue et la parfaite indifférence du sensible, il doit opter pour la seconde alternative, c’està-dire, pour l’empirisme pur et simple. Et en effet, le meilleur moyen d’expliquer « l’accord mystérieux » entre les lois de l’esprit et celles des choses consiste à supposer que c’est la nature qui imprime ses formes à l’esprit et le façonne à son image ; c’est même la seule manière de garantir la durée et la permanence de cet accord, et par suite l’existence d’une vérité quelconque, du moment qu’on fait consister la vérité dans l’accord de la pensée avec les choses J. Ainsi, dès qu’on renonce à voir dans la nature une création de l’esprit, on est obligé de faire de l’esprit une production de la nature. En un mot, il faut choisir entre le réalisme et le criticisme et peu importe que Kant ait cru devoir admettre l’existence des choses en soi (ce n’est là qu’une question historique), si cette thèse est incompatible avec les principes de la Critique. Or toutes les conséquences que M. Mannequin en a tirées ne font que dénoncer cette incompatibilité ; car on ne fait pas au réalisme sa part « Ce qu’on ne peut en tout cas contester plus longtemps, si seulement avec Kant on pose à l’origine de toute expérience la sollicitation de la chose en soi, c’est la nécessité de faire un pas de plus, et, sinon d’attribuer au Réel lui-même des rapports qui ne peuvent naître qu’en une conscience sensible, du moins de rapporter ces rapports eux-mêmes, comme à leur fondement, à des relations des choses qui pour" nous s’y traduisent, et que pour cette raison, mais pour cette raison seule, il devient légitime des lors d’y substituer (p. 383) ». On ne saurait mieux prouver que Kant n’a pu admettre ^existence des choses en soi que par une infidélité à ses propres principes,, et que cette existence est en contradiction avec l’idéalisme transcendental. Mais ce ne sont là, que des conséquences lointaines et peut-être contestables des principes posés par Kant ; et d’ailleurs, si les conséquences sont contradictoires des principes, c’est apparemment que les principes eux-mêmes recèlent quelque inconséquence. Il nous t. II ne faut pas croire, comme semble le dire notre auteur ip. 375), que la suppression des choses en soi ruine la vérité de la science, car dans. cette ` hypothèse la vérité ne consiste évidemment pas dans un rapport de la science ̃au Réel. Comme on vient de le voir, c’est le réalisme qui ruine l’objectivité <3e la science, tandis qu’elle trouve dans l’idéalisme- son plus sûr fondement.