Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Eudoxe. — Prenez courage, Ariste, car il ne nous reste à démontrer que le principe des sciences physiques, et puisque vous m’avez entraîné dans cette recherche téméraire, n’est-il pas à propos que nous la poussions jusqu’au bout, afin de n’avoir plus à y revenir ?

Ariste. — Je rassemble mes forces pour vous suivre, Eudoxe, dans la voie où mon imprudence nous a entraînés.

Eudoxe. — Ainsi l’être est un et indivisible ?

Ariste. — Oui.

Eudoxe. — Aucune partie de l’être n’est donc indépendante des autres.

Ariste. — Aucune ne peut l’être.

Eudoxe. — Par suite tout se tient dans la nature ?

Ariste. — Oui puisqu’on n’y peut supposer aucun intervalle ni aucun vide.

Eudoxe. — Si donc un mouvement se produit quelque part qu’arrivera-t-il ?

Ariste. — Il me semble que ce mouvement se répercutant de proche en proche se fera sentir dans le monde entier.

Eudoxe. — Cela ne veut-il pas dire que tous les mouvements réels sont liés entre eux ?

Ariste. — C’est cela même.

Eudoxe. — Qu’un changement dans une partie entraînera nécessairement quelque changement dans toutes les autres parties ?

Ariste. — Oui.

Eudoxe. — Que tout ce qui arrive est lié à chaque instant à tout ce qui arrive ?

Ariste. — C’est bien cela.

Eudoxe. — C’est-à-dire qu’aucune puissance concevable ne peut changer une partie sans changer le tout ?

Ariste. — La pensée ne saurait en effet concevoir une telle puissance sans se contredire elle-même, puisqu’elle affirme nécessairement que l’être est un et indivisible.

Eudoxe. — Mais n’est-ce pas cela même que l’on veut dire quand on dit que la Nature est soumise à des lois ?

Ariste. — C’est cela même, Eudoxe.

Eudoxe. — Vous voyez donc, Ariste, que le physicien ne s’appuie pas sur des principes incertains lorsque, considérant l’univers comme un vaste système de mouvements qui sont tous liés les uns aux autres, il écarte, comme cause des événements, toute puissance