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des formes a priori qu’il leur impose, de la multitude des phénomènes l’esprit fasse comme un seul phénomène dont rien n’interrompe la continuité. Science et conscience sont solidaires, la pensée ne se constitue dans son unité qu’en constituant de la diversité des phénomènes par leur enchaînement nécessaire un seul et même univers. Ainsi sortir du déterminisme ce serait sortir de la pensée, anéantir du même coup l’esprit et son objet.

Si la raison pure spéculative fournit les catégories qui permettent la science des phénomènes, la raison pratique nous révèle immédiatement dans la loi du devoir la forme sous laquelle doivent rentrer pour s’y ordonner, non plus les intuitions sensibles, mais nos propres actes. Qui dit devoir dit obligation, qui dit obligation dit liberté. D’autre part les actes de l’homme sont accomplis dans le temps, dans l’espace ; ils sont à ce titre des phénomènes or les phénomènes ne peuvent être pensés que rigoureusement déterminés. Les actes de l’homme doivent être libres et ne peuvent l’être, telle est l’antinomie qui oppose la raison spéculative à la raison pratique.

Cette antinomie n’est pas insoluble, l’idéalisme transcendental permet d’y échapper. Nous ne savons rien de l’être, parce que les formes de la sensibilité, l’espace et le temps, nous le dérobent à jamais « si nous faisons abstraction de notre sujet ou seulement de la constitution subjective de nos sens en général, toutes les .propriétés, tous les rapports des objets dans l’espace et dans le temps, l’espace et le temps eux-mêmes s’évanouissent ». Le déterminisme des phénomènes est relatif à notre connaissance, il est créé par elle, et ne nous apprend rien de la chose en soi. Pour la raison pure, le concept du noumène est un concept négatif, limitatif, théoriquement indéterminé il signifie ce que nous ne pouvons connaître ; il n’exprime que l’interdiction d’élever le mécanisme à l’absolu, d’en faire la loi de l’être. Par cela même que la raison spéculative n’atteint pas le monde nouménal, nous avons le droit, dans un intérêt pratique, de soustraire ce monde à un déterminisme, qui n’a de sens qu’appliqué aux phénomènes, et de lui donner pour loi la liberté. Ainsi deux points de vue également légitimes se découvrent à nous le point de vue de la raison spéculative, monde de phénomènes, causalité empirique, enchaînement nécessaire des mêmes antécédents aux mêmes conséquents ; le point de vue de la raison pratique, monde nouménal, plus de temps, plus d’avant ni d’après, plus d’antécédents ni de