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166 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET. DR MORALE.

lui déplaît point qu’il y ait des phénomènes et des lois irréductibles ; en isolant le libre arbitre, en en faisant une cause sut generis, une cause humaine, qu’il distingue radicalement de la cause physique, il se rapproche de nos spiritualistes, il refuse les problérnes dont sortira la philosophie de la liberté.

Au moyen âge, l’antinomie du libre arbitre et des lois nécessaires se manifeste sous une forme nouvelle. La philosophie est intimement liée à la théologie le problème est de concilier la liberté avec les attributs divins, de sauvegarder l’intelligibilité que donne à tout ce qui est l’unité de l’action et de la pensée divines, sans enlever à la créature raisonnable la responsabilité de ses actes. En dépit des apparences les difficultés qui se posent alors ne sont pas sans analogie avec celles qui nous embarrassent aujourd’hui à la toute-puissance immuable et créatrice, dont le « concours » se retrouve en toute action répond le principe de la conservation de l’énergie, l’universel déterminisme ; à la prescience réelle de Dieu, la prescience possible du savant qui, s’il en avait toutes les données, pourrait résoudre le problème du monde, déduire l’avenir du présent, suivre les transformations de la quantité invariable de force sans rencontrer jamais l’obstacle du contingent, de l’indéterminé. Il n’est pas jusqu’à la prédestination et à la gràce qui par la loi d’hérédité ne trouvent leurs analogues dans le déterminisme scientifique. La subtilité des théologiens s’épuise en ces difficiles problèmes sans les résoudre. Le grand philosophe franciscain Duns-Scot fait du moins dans la théologie ce qu’Épicure a fait dans la physique il affirme que la liberté est impossible dans l’homme si elle n’est un attribut de l’être qui crée tous les autres êtres, que la contingence doit être dans le principe pour être dans les effets et qu’il n’y a pas d’autre raison à chercher aux essences aussi bien qu’aux existences que la libre volonté de Dieu.

II

Est-il vrai que Descartes soit, comme on le soutient parfois aujourd’hui, un philosophe de la, liberté ? Je ne le pense pas. Sans doute il y a dans le système de Descartes tout un ensemble de j théories dont on peut marquer le lien et qui font pressentir une philosophie qui subordonnerait l’intelligence à la volonté, mais d’autre part à ces théories on peut en opposer d’autres qui en limitent sin-