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« 164 ISEVCE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

accordé à l’ensemble et par quelque point le révèle ; introduire la contingence dans le monde, c’est, en brisant cette universelle sympathie, rompre le commerce sacré qui unit la vie des hommes à celle des dieux. Mais, pour pallier les conséquences fâcheuses du déterminisme absolu, le grand Chrysippe, par des arguments, que lui empruntera Leibnitz, s’efforce de maintenir au moins de nom la liberté, en la ramenant à la contingence logique qui, sans nierle destin, permet la distinction du possible et du nécessaire ; à l’intelligence, qui explique la délibération et le choix des moyens ; à la spontanéité qui fait remonter à la nature de l’homme le principe de ses actes. Il est assez curieux, assez inattendu de trouver chez Épicure le premier pressentiment d’une philosophie de la liberté. Surtout préoccupé de la vie pratique, Épicure voit dans le destin des Stoïciens une superstition aussi redoutable, plus redoutable que la superstition religieuse « il est encore meilleur d’ajouter foi aux fables sur les dieux que d’être asservi (SouXsiîaw) à la fatalité des physiciens. La fable en effet nous laisse l’espérance de fléchir les dieux en les honorant, mais on ne peut fléchir la nécessité ». Il n’est pas exact de dire que l’hypothèse du clinamen est une hypothèse purement physique, qu’Épicure, avec une sorte de « sans façon » scientifique, s. ajoutée au fait de la pesanteur, pour expliquer la rencontre et l’union des atomes. C’est parce que sa physique, subordonnée à sa morale, doit chasser du monde tout à la fois les dieux et le destin, qu’il ne s’en est pas tenu au mécanisme de Démocrite, à ces chocs dont on remonte la, série à l’infini, mécanisme externe qui suffisait contre les dieux, qui ne suffisait pas contre le destin. Par le clinamen, Cicéron et Plutarque s’accordent dans ce témoignage, il a voulu sauver le libre arbitre, mettre au cœur même des choses « un principe qui rompe les liens du destin (quod fati fœdera rumpat), et qui empêche la cause de suivre la cause à l’infini. » Épicure a donc reconnu le rapport du problème de la liberté au problème cosmologique, il a vu qu’il était impossible de mettre la nécessité partout et la’uberté dans l’homme, et il a supposé dans les lois constitutives de l’être un principe de contingence qui devient en nous le libre arbitre Dediaamus item motus née tempore certo

Nec regîoneloci certâ, sed uti ipsa tulit mens. Mais ce n’est point assez de cette conception originale qui soli-