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forte raison est-ce le cas lorsqu’il s’agit des destinées de la morale, où l’intérêt de la volonté elle-même est directement enjeu. D’ailleurs, les affirmations pratiques ne sont-elles pas aussi légitimes que les affirmations théoriques ? Nous ne dirons pas qu’elles soient l’expression fidèle de la réalité, car cette propriété, ne saurait être attribuée ni aux unes ni aux autres. Issues d’une coordination, ! elles n’ont de valeur qu’au point de vue de cette coordination. Mais ce qu’on est autorisé à dire, c’est qu’elles sont également fondées en réalité, c’est qu’elles ont un droit égal à l’égard du monde donné. Si ce monde, arrangé de la façon la plus favorable à l’extension de la connaissance, reste digne de notre attention, pourquoi cesserait-il de l’être, arrangé de la façon la plus favorable à l’extension de la puissance volontaire ? II y a bien-cette différence, c’est que le monde donné est un objet de théorie, et non de pratique, c’est qu’il s’offre ̃$, la connaissance, et non à l’action. Qu’importe, semble-t-il, ce que la volonté décide, quand il ne s’agit que de ce qui est ? Il importerait beaucoup, si l’on pouvait dire que c’est justement sous l’empire de ce qui est, sous l’aiguillon d’un élément de la réalité, que la volonté décide des jugements concernant le monde donné. De la sorte, ce serait le donné lui-même qui préparerait les jugements sur son compte. L’avenir, en tant qu’issu dej 1 la réaction présente, devrait correspondre au présent. Or, cette sup-’ position est parfaitement admissible. Ce n’est pas au hasard, avons-nous dit, que la volonté pousse à certaines affirmations. Elle s’y intéresse, elle les agrée, proportionnellement à la réaction positive qui est à son origine. Mais cette réaction ne fait-elle pas partie de la réalité au même titre que l’élément causal qui lui est opposé et qui devient l’objet de la dialectique théorique ? Juger d’après la volonté, c’est donc juger d’après la réalité elle-même. Les affirmations pratiques ont ainsi un fondement assuré. – N’y en a-t-il donc pas d’injustifiées ? Entendons-nous. Il en est, et c’est le plus grand nombre, qui s’inspirent d’un intérêt restreint, passager, qui n’expriment que la réaction volontaire d’un moment, d’une circonstance, ou d’un esprit particulier. Évidemment celles-ci ne peuvent correspondre à ce qu’il y a de constant et de profond dans la réalité, et on ne doit leur donner qu’une portée restreinte, passagère, comme les réactions dont elles dérivent. Malheureusement on oublie souvent cette règle, on se permet des affirmations disproportionnées avec leur origine, et c’est ainsi que se produisent les erreurs pratiques.