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enfin, il ne s’agit pas simplement’ d’esquisser un idéal pour la pensée. Le bien n’est posé qu’en tant qu’il est voulu. Moralement, les deux opérations ne peuvent se séparer. Et il ne s’agit pas de vouloir l’idéal seulement une fois, mais continuellement. Si la volonté, ̃ après le premier moment, de décision, hésite, tout est à recommencer, et la dialectique est sérieusement compromise.

Mais comment prévenir les variations du sujet ? Comment dissiper la dualité pratique ? Comme on a dissipé la dualité théorique. En convertissant un des deux termes en son opposé. Seulement cette conversion devra se faire dans un autre sens. Si le sujet absorbait l’objet, en d’autres termes, si l’idéal moral n’était posé que dans la mesure où il nous conviendrait de le reconnaître et de le réaliser, la dualité disparaîtrait sans doute, mais en même temps disparaîtrait la coordination elle-même. Avant d’accepter la théorie kantienne de la volonté « autonome » il faudrait bien entendre que le sujet ne doit ’,se donner sa loi que pour s’effacer ensuite derrière elle. Sans cette ^condition, une volonté autonome reste en définitive une volonté j« anome ». Oui, c’est l’agréant que la dialectique appelle au sacrifice. Il doit se soumettre à l’agréé, se modeler sur lui, se convertir en lui. En d’autres termes, il doit acquiescer au bien une fois pour toutes, comme le serviteur acquiesce aux ordres du maître, l’enfant aux • ordres du père, le sujet politique aux ordres du souverain. Dans un acte solennel de volonté, il s’engagera a rester fidèle, quelles que puissent être ses dispositions. L’objet pourra changer, mais lui-même ; ne changera pas. Même dans les modifications de l’objet, il se ; courbera, le sachant et le voulant, sous sa bienfaisante tyrannie. La dualité subsistera, sans doute, car la dialectique ne saurait mettre à néant ce qu’elle a une fois établi ; mais elle sera sensiblement atténuée. Tel est le procédé qui nous conduit à la morale de l’obligation. Nous disons « obligation » plutôt que « devoir », pour éviter des équivoques. Toutes les doctrines morales, peut-on dire, ont été des morales du devoir, en ce sens qu’elles ont toutes posé un idéal et établi une hiérarchie. Au contraire, il n’y a qu’un très petit nombre de doctrines qui méritent le nom de morales de l’obligation, si nous prenons ce dernier mot en son sens strict, à savoir la conversion du sujet en objet.

On a cru que l’idée d’un être supérieur à l’agent moral devena it ici nécessaire. Dieu seul, a-t-on dit, peut obliger l’homme. – Dégageons cette doctrine de ses confusions ordinaires, et supposons t